CRACHIN MINABLE
Du ciel invisible (la nuit est tombée à 18 heures)
crachin minable
sur le pare-brise balayé en cadence
feux blancs feux rouges feux blancs
pompiers inassouvis
lampadaires courbés comme des serviteurs obséquieux
panneaux réfléchissant à deux fois
cohortes des voitures fantômes et silencieuses
sans conducteurs repérables au nord
véhicules amphibies sur autoroutes croisées
en signes de Toussaint
asphalte aspirée jusqu’à l’étouffement des asphodèles
la fourmilière se hâte à 70 puis à 90 km/h
le soir balance à toute volée son encensoir fumant
et Dieu est un simple CDD
l’obscurité navigue dans le manichéisme
la vitesse relative la transperce d’un trait de tir à l’arc
chaque automobiliste se transforme en tireur ou en cible circulaire
les carrosseries ont revêtu la même couleur uniforme
les ponts succèdent aux ponts
comme des enjambements de géants
et de grosses têtes
carnaval nocturne du bitume devenu tapis roulant
dans la foire d’empoigne de la circulation mortelle
le manège c’est tous les jours
pas comme la ducasse bariolée
ni l’océan auquel il n’est donné d’âge qu’en littérature
(Photo prise le 30 novembre. Il est permis d’agrandir.)
(Sonny Rollins, Silk N’ Satin)