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bulldozers, Champollion, e-book, fouilles, Histoire, Jean-Jacques Bouteillion, Mariette, Paris, place de la République, technologies numériques
Depuis maintenant un an, les travaux avaient bouleversé le quartier. Le but était éminemment sage et humaniste : retrouver sous la place les vestiges de ce qui avait été par le passé une ville au doux nom de Lutèce, et tenter de reconstituer, en cet endroit précis, le mode de vie, l’habitat, les coutumes peut-être, des anciens occupants des lieux.
Il s’agissait de donner une leçon de pédagogie, d’Histoire (non « révisée »), de montrer que le présent revêtait la forme de racines insécables et qu’il était utile (comme au lycée) et indispensable de garder la mémoire de ce qui avait donné naissance, au cours des siècles, à ce que nous étions devenus.
On n’avait pas lésiné sur les moyens, les pelleteuses, les excavatrices, les bulldozzers petits ou gros tournaient dans un ballet perpétuel ; les ouvriers et ouvrières – ils existaient donc encore ! – s’affairaient comme dans une ruche dont la reine était invisible. Les ordres paraissaient aussitôt exécutés que diffusés.
Interdit lui-même devant son chantier, port du casque obligatoire et chasubles avec logo de la société pour tout le monde, l’entrepreneur naviguait quotidiennement dans le no man’s land du temps.
Les fouilles avançaient à grands pas puisque l’on avait déjà totalement dégagé une statue monumentale : représentation d’une femme brandissant une branche d’olivier dans la main droite et cette « tablette » étrangement futuriste qu’elle tient dans la main gauche (titre de l’e-book de l’époque : Droits de l’Homme). D’autres significations devraient sans doute être mises à jour et interprétées.
Tout autour du socle exhumé, des blocs de pierre massifs et intrigants avaient été extraits des profondeurs où ils étaient ensevelis : leur nettoyage puis leur numérotation (afin de recomposer le labyrinthe qu’ils semblaient avoir formé dans les strates du terrain éventré) permettraient d’imaginer le plan de circulation qui devait présider dans l’ancienne cité.
Le maître des opérations, un polytechnicien du nom de Jean-Jacques Bouteillion, surveillait de près les opérations : il savait qu’il jouait peut-être sa carrière avec le déroulement de cette entreprise de creusement et de refondation.
La confrontation avec le passé, ses fastes comme ses misères, sa beauté comme sa laideur, était devenue son « dada » existentiel : il avait compris que si rien ne se crée, si tout se tient, nous ne sommes en définitive que des sortes de prolongements d’autres êtres et qu’un jour, dans cent ans ou plus, un chercheur ou un architecte découvrira peut-être (au hasard d’un coup de pioche) une trace, fût-elle dérisoire, de notre passage ici ou ailleurs.
Il accordait donc tout naturellement autant d’importance aux blocs de granit ou de marbre, datant vraisemblablement du début des années 1880, et que ses équipes découvraient miraculeusement intacts, qu’aux dernières technologies numériques boostées par le développement irréversible d’Internet.
Un jour, il espérait d’ailleurs pouvoir communiquer réellement avec de grands personnages historiques, du style de son admiré Jean-François Champollion ou d’Auguste Ferdinand Mariette : ce progrès pouvait-il demeurer à jamais impossible ?
(Photo : Paris, place de la République, le 14 juin. Cliquer pour agrandir.)
(Roland Kirk, Someone To Watch Over Me)
brigetoun a dit:
espérer pour appendre ce qu’il y a de mieux du passé – et admirer l’état de ces pierres qui semblent si fraîches de taille
Dominique Hasselmann a dit:
@ brigetoun : la pierre traverse les siècles.
JEA a dit:
photo : les pierres ne sont pas encore posées qu’un Razel y appose déjà des graffs….
Dominique Hasselmann a dit:
@ jEA : mission purement archéologique…
PdB a dit:
UNE Razel(le) s’il vous plaît…
Francesca a dit:
Merci de cette photo. J’évite Répu depuis pas mal de temps…
Dominique Hasselmann a dit:
@ Francesca : itinéraire parfois obligé…
les cafards a dit:
comme des pavés dans la gueule d’un flic !
Dominique Hasselmann a dit:
@ les cafards : mais de taille !
PdB a dit:
Ces travaux de la municipalité sont iniques, des gages qu’elle donne à sa composante écologiste : je ne suis pas spécialement contre, mais faire « comme si » ces travaux cherchaient à rendre la vie plus agréable en ville alors qu’il s’agit ni plus ni mois que de juguler l’usage des voitures et autres véhicules (comme sur le Magenta qui est une horreur de circulation 18h sur 24), c’est d’une hypocrisie écoeurante. Que l’édile et son équipe à lak annoncent donc qu’ils ne veulent plus de voiture intra muros et en fassent payer l’accès, ce sera plus digne et nous saurons où nous allons (lentement, certes). Feraient mieux de développer le réseau de bus et (exemple au hasard) de mettre un peu plus d’un 46 par demi-heure sur la ligne… Ce que j’en dis (je ne prends pas ce bus, mais je crois qu’il en est de même du 75 détourné, ligne aimée de notre hôte). Ces petites (enfin financièrement, je ne suis pas sûr du qualificatif, tu vois) manoeuvres font penser à de la basse politique basse police et aux coups tordus auxquels l’ancienne majorité nous avait habitués (voir l’affaire Merah par exemple). Ca n’a rien à voir et je mélange tout ? Voire, voire, voire (c’est pas du commentaire ça ?
Dominique Hasselmann a dit:
@ PdB : l’insuffisance criante du nombre de bus et donc de leur fréquence de passage est un fait (je connais bien les 46 et 75).
Le paradoxe est, par rapport à la voiture, de tout faire pour en limiter l’usage dans Paris… tout en lançant l’équivalent des Vélib’ à quatre roues (leurs moches Autolib’) : bonjour les embouteillages supplémentaires boulevard du Magenta !
Ton parallèle avec l’affaire Merah – les responsables policiers au plus haut niveau ont été, notamment pour l’un d’eux, renvoyés, après le 10 mai, à la circulation… – me semble par contre mélanger le « voire » et la « voirie ».
PdB a dit:
Tu as raison, je mélange tout… :°))
Dominique Hasselmann a dit:
@ Pdb : mais tout est dans la manière et on ne prend jamais tous les commentaires au pied de la lettre…
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Lignes bleues a dit:
Et là, au pied de la statue, ils dégagèrent un étrange mille-feuilles de couches de papier solidifiées par le temps qui furent immédiatement acheminées vers l’accélérateur de particules du labo des musées de France dans le bunker souterrain du louvre pour datation au carbone 14 et reconstitution des fragments de ce qui ressemblait à des poèmes antiques, on en devine la scansion au travers des mots encore lisibles : les vi-eux dans la mi-sere, les jeun’s dans la ga-lèr’ : un grand lieu de rassemblement au pied de cette statue, croit-on ?
Dominique Hasselmann a dit:
@Lignes bleues : un « miroir d’eau » remplacera les deux bassins avec des sortes de dauphins qui ont été détruits sans coup férir.