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"absolutistes", absolu, ciel, eau, philosophie métallique, quatre lettres, terre
Il suffirait de ne pas prononcer ni écrire les quatre lettres, puisque lui-même ne saurait être nommé ou représenté car dépassant logiquement ces pauvres catégories, ces classements studieux, ces boîtes avec étiquettes scolaires calligraphiées en bleu sur fond blanc.
Pour s’approcher de lui (on ne « lui » mettra pas non plus de majuscule), on pourrait parler d’absolu, donc ce qui est inaccessible car la perfection n’est pas de ce monde, et qualifier ses sectateurs d’« absolutistes ». Ils n’auraient même pas créé un mouvement repérable, ni une église, ils ne publieraient pas de bulletin paroissial ou d’ouvrage doré sur tranche avec un signet de tissu vert, ils ne se rassembleraient pas pour des messes basses ou hautes.
Les amants de l’absolu auraient les yeux levés au ciel ou baissés à la terre (l’un se reflète dans l’eau de l’autre), ils chanteraient intérieurement les paroles qu’ils inventeraient et que personne ne pourrait connaître, sachant que tous seraient rassemblés autour d’un seul dessein, celui, incomparable, de louer et encenser (mais sans myrrhe ni feuilles de myrte) celui qui ne peut se laisser embrasser d’aucune façon.
Le premier rendez-vous avait été fixé dans l’immeuble d’une rue qui semblait se prêter à ce genre de colloque. L’obscurité ne tomberait que plus tard, en même temps que la lumière intérieure viendrait la contrebalancer chez les adeptes clandestins de cette adoration sans nom.
(Photo : Paris, 19 mai. Cliquer pour venir plus près du rideau.)
(Olivier Messiaen, Éclair sur l’Au-Delà)