Mots-clés
André Breton, Buttes-Chaumont, Les pas perdus, Rue Hassard, XIXe
« Il nous reste encore à faire justice de plusieurs règles semblables à la règle des trois unités. On sait aujourd’hui, grâce au cinéma, le moyen de faire arriver une locomotive sur un tableau. A mesure que se généralise l’emploi des appareils ralentisseur et accélérateur, qu’on s’habitue à voir jaillir des chênes et planer des antilopes, on pressent avec une émotion extrême ce que peuvent être ces temps locaux dont on entend parler. Bientôt, l’expression « à vue d’œil » nous paraîtra dénuée de tout sens, c’est-à-dire que nous percevrons sans le moindre clignement de paupières le passage de la naissance à la mort, de même que nous prendrons conscience de variations infimes. Comme il est aisé de s’en apercevoir en appliquant cette méthode à l’étude d’un combat de boxe, le seul mécanisme que cela risque de paralyser en nous est celui de la souffrance. Qui sait si, de la sorte, nous ne nous préparons pas quelque jour à échapper au principe d’identité ? »
André Breton, Les pas perdus (Gallimard 1924, édition février 1949, pages 102-103).
J’ai remarqué une chose depuis longtemps : l’état d’éveil se doit d’être décidé, d’emblée. Le regard guette alors la moindre faille dans la réalité, il surprend et la main agit (sur le déclencheur), tout semble facile, les choses adviennent les unes après les autres, les surprises s’enchaînent sans difficulté.
Pas très éloignée du parc des Buttes-Chaumont, la rue Hassard (et si on lui enlevait un « s » ?) sonne comme un signal, et le XIXème arrondissement sait, lui aussi, cacher puis dévoiler ce qu’il entendait dissimuler. Hier, il m’a semblé ressentir, une fois encore, cette conjonction de l’improbable et du nécessaire dans l’emboutissement – je n’ose parler d’aboutissement – des images fixées au fur et à mesure sur un coup de tête.
(Station de métro Jaurès. Cliquer sur les photos pour agrandir.)
(Photo ci-dessus : cliquer pour en voir une autre perspective.)
(Photo ci-dessus : cliquer pour en voir une autre.)
(Fin de la descente vers la station de métro Riquet.)
brigetoun a dit:
vous avez fort bien enlevé le s – j’aimerais penser que je suis capable de l’état d’éveil – vous en donnez bel exemple
Dominique Hasselmann a dit:
@ brigetoun : vous le prouvez tous les jours et leurs soirs musicaux et artistiques.
PdB a dit:
(Il semble (dit Hillairet) que cette rue porte le nom d’un ancien propriétaire-on est bien avancé…) mais elle se situe aussi sur les emplacements (ou non loin) des studios de la Société Française de Production (SFP) rue des Alouettes, qui elle-même succédait à l’ORTF (et puis encore avant, les studio Gaumont qui se trouvaient, je crois, entre les rues Botzaris Plateau, Préault, Fessart) (peut-être pas sous ces noms-là d’ailleurs- la société se nommait Elgé des initiales de son fondateur, Louis Gaumont). Elle a donc à voir avec ce dont nous entretient le pape surréel. D’ailleurs (et sans plus de connexion), on trouve rue Hassard, une école de fleuristes…
Dominique Hasselmann a dit:
@ PdB : on peut imaginer que Robert Bresson soit un jour passé par là et ait eu alors l’idée de son admirable Au Hasard Balthazar…
PdB a dit:
Oui, ou changeant le premier a en u Giono, passant par lù °))
@ Pdb : ce serait donc le hussard et la nécessité… (ceci dit, l’article de Wikipédia est bizarrement rédigé !) D.H.
dominique autrou a dit:
Ce coup de tête a chamboulé le hasard sous les toits.
Dominique Hasselmann a dit:
@ dominique autrou : on pourrait envisager une décoration du « Hasard et lettres »…
Skif a dit:
le passage du Plateau ravirait les amateurs d’escalade en manque de cheminées pour s’exercer…
Dominique Hasselmann a dit:
@ Skif : et Gide y verrait comme une porte étroite !
Francesca a dit:
Vous avez donc tous décidé de votre état d’éveil ce matin et m’avez bien fait rire.
MERCI
Dominique Hasselmann a dit:
@ Francesca : un réveille-matin.
jeandler a dit:
Si Hillairet n’a pas d’autre idée sur le hasard qui fit donner le nom à cette rue, il y a fort à parier qu’un jour on la débaptisera pour y loger quelque passagère et éphémère célébrité.
Dominique Hasselmann a dit:
@ jeandler : sauf si cet « anonymat » le faisait devenir célèbre…
Skif a dit:
Avant Hassard, c’était Lenoy, antérieurement Leloy, la rue ayant été ouverte par M. Leloy, dont elle porte le nom sur le plan cadastral de l’ancienne commune de Belleville, dressé en 1843. Par un mouvement de balancier on pourrait imaginer de retourner du hasard à la nécessité… Je verrais bien un hommage à Badinter.
Dominique Hasselmann a dit:
@ Skif : le fléau, pour le nom des rues, ne s’applique – en règle générale – qu’après la mort des gens illustres.
Skif a dit:
Aucune urgence !
@ Skif : cela va de soi. D.H.
Didier Duglou a dit:
drôle d’histoire !
Dominique Hasselmann a dit:
@ Didier Duglou : il semblerait.
Claire a dit:
Un coup de hasard objectif, alors ?
Dominique Hasselmann a dit:
@ Claire : oui, en 50 mm.
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Zoë Lucider a dit:
Voilà de bien drôles d’endroits où perdre ses pas et nous régaler l’œil. Le texte de Breton est saisissant : percevoir « sans le moindre clignement de paupières le passage de la vie à la mort », quel raccourci !
Dominique Hasselmann a dit:
@ Zoë Lucider : scalpel (de la plume) à la Buñuel.