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Bob Dylan, Dora Breitman, Juliette Spiegelman, Maurice Nadeau, Pitchipoy, rue des Écouffes
Ce livre, reçu il y a quelques jours par la Poste de la part de Dora Breitman, je l’ai lu seulement hier dans une bibliothèque puis dans ma voiture sur un parking, et j’ai regretté de ne pas avoir emporté quelques CD du poète-chanteur-peintre-motocycliste pour accompagner les trente-trois tours et détours que font les lignes du Demain, j’ai rendez-vous avec Bob Dylan (Maurice Nadeau éditeur, mai 2012).
Comme une pierre qui roulerait dans le Marais, avec ses éclats minéraux parfois assombris par la roue de l’Histoire, son restaurant le « Pitchipoy » (le pays dont on ne revient pas, disaient-ils à Drancy avant d’être emmenés vers l’Est et ses fumées noires), situé au 7 de la rue des Écouffes et ce monde interlope – bel adjectif passé peut-être à la trappe ? – de Juifs, d’Arabes, d’Arméniens…
« Et voilà ma Lilli en plein discours amoureux, et pas seulement des fragments… » (page 19)
Le moment peut être, comme cela s’est produit, tragique : « Bijou est comme moi une Juive polonaise. Et dans nos familles, on nous a appris dès le berceau qu’on arrive à l’heure, à la minute, à la seconde près. « Si quelqu’un n’arrive pas à un rendez-vous à l’heure dite, c’est qu’il est mort en chemin. » (page 34)
A la périphérie, l’histoire d’un pan de vie de Juliette Spiegelman – question d’art, sans doute – bien localisée à Paris : « Maud nous parle également de l’évolution de ce quartier, le Plätze auquel elle est tellement attachée et qui n’existe plus. C’est à présent la rue des grands couturiers, des boutiques de stylistes, plus rien à voir avec le quartier de mon enfance. La rue des Rosiers disparaît chaque jour un peu plus. » (page 160)
Au centre, la figure découverte, entendue, rêvée de Bob Dylan et l’espoir de le rencontrer comme un personnage réel et non plus fantasmé, idéalisé, plus qu’un type qui dédicace ici, ou qui chante sur scène, là :
« Ce soir, je plonge dans le gros recueil Lyrics, l’édition bilingue de toute l’œuvre de Dylan (un cadeau de ma Lilli pour mes trente-cinq ans)… La beauté et la richesse de ces poèmes m’arrachent à tout ce qui m’oppresse… Les soucis du jour disparaissent : les ordinateurs, les factures. Je retrouve ma sérénité, je me laisse flotter. » (page 83)
Le concert à venir sera révélation, immersion, navigation sous-marine dans un univers qui se transforme et se transfigure par la seule magie poétique.
« Imperceptiblement, alors que je suis si fermée, si étrangère à ce spectacle, la voix brisée du Zim m’atteint, me bouleverse, m’enveloppe, glisse le long de ma peau, m’envahit. Un mouvement de balancement s’imprime en moi : je bascule. Ce petit bonhomme que je n’arrive même plus à distinguer sur la scène irradie de sa voix majestueuse, de sa voix cassée, usée : elle m’appelle. » (page 196)
Et puis, à Berlin, à l’occasion de sa visite au Brücke Museum, voici soudain l’artiste à portée de la main caressante ou du baiser retenu.
On voudrait à la fin que le livre continue, que Bob Dylan lâche tout pour l’adorable Juliette Spiegelman, et que la vie reparte à zéro, comme sur le premier sillon d’un disque vinyle où la pointe du diamant découpe au plus près à la fois le souvenir et le présent.
(Scan : cliquer ou bouger l’image pour l’agrandir.)
(Bob Dylan, Hurricane)