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Autorisation d'aller et venir, mur, palissade, surface de carrelage
(Photo: Paris, 13 décembre, quai de Loire, 19e. Agrandir pour pénétrer dans l’image.)
« Passe-muraille », le terme était déjà pris et la situation n’était pas exactement la même. Maintenant, on avait enfin le choix : continuer à se déplacer, à marcher, se promener, vagabonder à l’air libre, ou s’intégrer dans un mur sous l’apparence de personnages présentant quelque forme humaine.
Ceux qui avaient choisi la première solution restaient libres de leurs mouvements mais étaient soumis au harcèlement quotidien de la police nationale qui cherchait à vérifier si les « Indépendants » – ils étaient répertoriés ainsi, avec des guillemets – possédaient bien leur Autorisation d’aller et venir (ADAEV).
Ceux qui, en nombre encore infime, optaient pour la seconde solution, se retrouvaient, après en avoir émis la demande auprès du ministère de l’Humanité, plaqués sur un mur, crépi ou non, sur une palissade, pacifique ou non, sur une surface de carrelage, métropolitaine ou errante, et n’en pouvaient plus bouger.
En revanche, ils observaient le défilé des curieux, des amateurs d’art urbain ou d’« installations » éphémères et seuls leurs yeux panoramiquaient de gauche à droite et de haut en bas, ce qui indiquait qu’ils étaient bien vivants.
Après tout, cette station prolongée, cette immobilité assumée (plus besoin de nourriture, de travail, de logement, avec des soucis de toutes sortes…) permettaient d’approcher l’ataraxie suprême, le détachement des choses matérielles, le nirvana de l’instant reproduit à l’infini.
Les services de la voirie municipale appliquaient la consigne de ne pas toucher à ces représentations : il ne s’agissait pas de tags, mais d’êtres approximatifs, pas de dessins, mais de destins étranges. Leur existence ne se déroulait pas au ralenti, ni en accéléré, mais à un rythme qui lui était spécifique et dont nul ne connaissait par avance ni la cadence ni la durée.
Un jour, et sans crier gare, l’image disparaîtrait du mur, de la palissade, de la surface de carrelage. Une autre représentation (un solitaire, un couple, une famille même) occuperait alors une place libre, s’y ferait coller dans la contemplation de l’activité humaine : celle-ci viendrait s’y regarder de temps à autre, comme pour chercher là une réponse à une question sans doute mal posée dès l’origine puisqu’elle ne pouvait recéler aucune réponse sensée.
brigetoun a dit:
ai perdu mon ADAEV, hésite à devenir être approximatif sur la place, peur d’avoir un peu froid – mais peut être que le froid n’existe plus
(aime beaucoup votre histoire)
Dominique Hasselmann a dit:
@ brigetoun : l’abri est là.
Pomme d'Adam a dit:
Joli l’ADAEV ! Je traduirais plutôt » Autorisation D’aller Et de Vivre ». Merci ADam et merci EVe, nos ancêtres, paraît-il.
Dominique Hasselmann a dit:
@ Pomme d’Adam : Les traductions fantaisistes ne sont pas autorisées : tu vas te retrouver collé au mur !
Lza a dit:
Est-ce que ça peut fonctionner pour les animaux?
Dominique Hasselmann a dit:
@ Lza : non, la Direction de la propreté de la Ville les a interdits. Mais on a construit des « zoos domestiques ».
caro.carito a dit:
C’est en cliquant sur agrandir que j’ai aperçu le détail sur le lampadaire. joli.
Dominique Hasselmann a dit:
@ caro.carito : un petit clic peut réserver des surprises !
jeandler a dit:
J’aime le lampadaire bleuté. Atmosphère, atmosphère…
Dominique Hasselmann a dit:
@ jeandler : est-ce qu’il a une gueule d’atmosphère ?…
50phik4 a dit:
Belle photo hivernale…
(Quand je pense que Pignon Ernest est à l’origine de tout ça !)
Dominique Hasselmann a dit:
@ 5°phik4 : il a eu longtemps pignon sur rue…
Dominique Autrou a dit:
Ces deux-là se sont garés de la criée, avec un avantage lévite indéniable.
Dominique Hasselmann a dit:
@ Dominique Autrou : à cet endroit, facile de l’éviter.
Jon Recasevyf a dit:
Pour la seconde solution, ça serait quand même plus sympa si on pouvait choisir son emplacement ?
Dominique Hasselmann a dit:
@ Jon Recasevyf : des concours internes – assez cotons – sont organisés et les mieux placés ont le choix de l’endroit où ils seront emmurés.
Quotiriens a dit:
Un seul prédateur à cette humanisation du décor urbain -Urbi où les tags représentent le terrorisme dans la dictature de l’affichage- le karcher…
Dominique Hasselmann a dit:
@ Quotiriens : hélas, son manipulateur en chef ne répondait plus à l’appel.
Claire a dit:
J’ai envie de mettre le même commentaire qu’hier !
Dominique Hasselmann a dit:
Claire : trop facile, refusé.
Claire a dit:
Ah, ben, si j’aurais su…
@ Claire : OK, recopiez ! D.H.
alainlecomte a dit:
ouf! heureusement qu’ils ne parano-niquaient pas!
Dominique Hasselmann a dit:
@ alainlecomte : cela confinerait à un état « critique »…
PdB a dit:
ça fait penser aux décalcomanies qu’on trouvait dans les chewing gum ça… (faut traverser le canal pour devenir indépendant ?) (si tu passes rue de la fontaine au roi, après la rue saint Maur en allant vers le boulevard, tu auras aussi quelques vues plaquées là, décalquées et sans ombre…)
Dominique Hasselmann a dit:
@ PdB : pas tout compris.
Claire a dit:
En fait, je vous faisais marcher…
J’aime bien l’idée du « nirvana de l’instant reproduit à l’infini »…
Dominique Hasselmann a dit:
@ Claire : vous m’avez claquemuré !
gballand a dit:
Je me disais bien qu’on allait droit dans le mur 😉
J’ai bien aimé votre texte. Quant au ministère de l’humanité, sans doute faudrait-il le créer….
Dominique Hasselmann a dit:
@ gballand : il serait vite dépassé par le nombre de cas à traiter !
steyert a dit:
Voilà un texte très très intéressant …
Dominique Hasselmann a dit:
@ steyert : merci de ton passage (trop rare) !
Zoë Lucider a dit:
Enfin des trompe l’œil qui n’en sont plus : il y a bien quelqu’un qui nous regarde le regarder. Vu comme ça, la déambulation va éventuellement se commuer en une visite de famille 🙂
Dominique Hasselmann a dit:
@ Zoë Lucider : nouveau slogan = « Familles, je vous aime ! »…
Julien Boutonnier a dit:
C’est rigolo, les gens de l’autre côté du canal ont l’air de faire à peu près la même chose que les plaqués sur le mur…
Dominique Hasselmann a dit:
@ Julien Boutonnier : en fait, c’est exactement là le point de départ de l’idée.
Jerome a dit:
OK