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Un texte sur la grandeur ne devrait pas devenir une immense ou ennuyeuse dissertation : il pourrait circonscrire (paradoxalement) ses bords, ses limites ou les envisager même comme prolongements indéfinissables.
J’ai pensé à ce thème en photographiant ce petit vélo à guidon chromé attaché en apparence par un simple fil ténu, le 13 décembre, au début de l’avenue Jean Jaurès qui mène jusqu’à la Cité de la musique. On aurait pu d’ailleurs facilement découper l’anti-vol avec une petite scie musicale.
Son nom de marque, ou de fabrique, énonce une ambition, une promesse, un résultat déjà tangible : cette bicyclette est grande, au-dessus des autres, elle les dépasse d’un coup de pédale fluide, elle est solide, fiable, et peut même se permettre une housse de fantaisie sur la selle.
La grandeur ne saurait se comparer : elle surplombe ses concurrents, ses aboyeurs, ses jaloux, de sa superbe. Dès qu’elle a annoncé ou énoncé son statut, elle domine la situation. Affichée ou gravée dans le cadre du vélo, la grandeur resplendit et impose le respect. Elle ne peut être rabaissée puisque son être même est dans sa définition.
La grandeur (celle du général de Gaulle, par exemple), tient dans un ensemble de circonstances mises à profit, de décisions courageuses, de fabrication des conditions d’une victoire qui est irréfutable et sans compromissions. C’est un idéal réalisé, une évidence qui ne souffre aucune contestation : elle est telle et ne pourrait être autrement.
Ici, le deux-roues, qui piaffe d’impatience et se languit dans l’attente d’être enfourché, est prêt à montrer de quoi il est capable : grimper jusqu’aux Buttes-Chaumont ou dévaler vers République le long du canal Saint-Martin, et puis un vibrant coup de sonnette préviendra quelques écervelés, le pédalier tournera (vélocimétrie) comme un moulin débridé et la farine des songes diurnes s’élancera fièrement vers un ciel déjà blanc.