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Dans la photo, le vif saisit le mort.
Dans la photo, le reflet du vivant éclabousse ce qui n’est plus.
Dans la photo, le photographe est démiurge de l’urgence.
Dans la photo, le déclic tombe comme la guillotine du regard.
Dans la photo, l’image interpelle par la grâce portative de son attirail spéculaire.
(Toutes les photos sont agrandissables.)
(Pink Floyd, More Blues)
[ ☛ à suivre ]
brigetoun a dit:
dans la photo scrutez bien le vivant et ses surprises fixés par le clic du photographe
Dominique Hasselmann a dit:
@ brigetoun : le verbe me rappelle les « scrutateurs » des bureaux de vote…
Lignes bleues a dit:
Spéculaire et spéculatif
Dominique Hasselmann a dit:
@ Lignes bleues : j’avais d’abord écrit « spécule » à la place de « interpelle » (mais ça faisait répétition)…
gballand a dit:
Vous me donneriez presque envie de faire de la photo 😉
Dominique Hasselmann a dit:
@ gballand : vous seriez une des rares Françaises à ne pas en faire actuellement ?
biscarrosse2012 a dit:
C’est absolument vrai : dans la photo, « le vif saisit le mort » et aussi « le reflet du vivant », éclaboussant « ce qui n’est plus ». Le photographe devient alors « démiurge de l’urgence ». Urgence de la situation réelle qui lance de signaux plus ou moins conscients. Mais aussi, surtout, urgence inexorable du « déclic » qui « tombe comme la guillotine du regard ».
C’est vrai aussi, de l’autre côté, que « l’image interpelle par la grâce portative de son attirail spéculaire ».
La chose extraordinaire, même lorsque la camera enregistre de façon mécanique les décors et les objets de la scène urbaine qui lui coulent devant, le photographe est toujours « auteur » d’une idée et d’un parcours qui n’appartient qu’à lui.
Dominique Hasselmann a dit:
@ biscarrosse2012 : l’auteur-enregistreur (ou plus) : idée à enregistrer.
dominique autrou a dit:
J’aime bien ta théorie portative, elle rend toute sa puissance poétique à Google street view, le grand inspirateur avec sa tourelle à la Hotchkiss.
Dominique Hasselmann a dit:
@ dominique autrou : pour moi, en tout cas, c’est plutôt un grand aspirateur (tu ne trouves pas cette dimension « 1984 » dans leur entreprise « poétique » ?).
jeandler a dit:
» La Photographie transformait le sujet en objet, et même, si l’on peut dire, en objet de musée (…) et c’est pour cela chaque fois que je me fais (que je me laisse ) photographier je suis immanquablement frôlé par une sensation d’inauthenticité, parfois d’imposture ( … ) où, à vrai dire, je ne suis ni un sujet ni un objet, mais plutôt un sujet qui se sent devenir objet : je vis alors une micro-expérience de la mort (…) : je deviens vraiment spectre. »
Roland Barthes, La chambre claire.
Pardon pour le montage et des coupures dans les pages 29 et 30 de mon édition (Cahiers du Cinéma Gallimard Le Seuil, 1980)
Dominique Hasselmann a dit:
@ jeandler : comme il ne s’agit que d’une « note » (que j’ai à portée de la main dans la même collection que la vôtre), j’ai évité de la relire, sinon je me serais contenté de tout recopier – et pourtant peut-être aussi de critiquer sa théorie, comme l’a fait Susan Sontag que je citerai plus loin…
J’ai simplement voulu écrire ce qui me passait par la tête !
jeandler a dit:
Depuis hier, je pensais à La chambre claire sans pour autant m’y être reporté que ce matin. Ce ne fut qu’un déclic. Un éclairage.
@ Jeandler : mais rassurez-vous, j’y ai pensé aussi ! Puisque dans mon énumération, écrite hier très tôt (et dont j’ai choisi de ne mettre à chaque fois que cinq lignes… pour ne pas imposer une indigestion oculaire) vous trouverez, si vous « suivez » le déroulement de la série, ces deux phrases (12 et 13) :
Dans la photo, le « punctum » de Roland Barthes constate l’accident.
Dans la photo, la chambre peut apparaître noire, claire, moire, légère.
D.H.
Julien Boutonnier a dit:
C’est curieux, votre formule « Le vif saisit le mort », est le retournement parfait d’une formule de droit médiéval « Le mort saisit le vif » par laquelle on a légitimé le passage instantané du pouvoir du roi mort à son successeur dans la monarchie. Qu’est-ce que ça a à voir avec la photo? Je me le demande…
Dominique Hasselmann a dit:
@ Julien Boutonnier : la formule inversée volontairement est là pour poser la question et je ne ne prétends pas détenir la réponse…
Ou alors (s’il faut expliquer) : la fixation par la photo s’apparente à une sorte d’embaumement.
Zoë Lucider a dit:
Quand je regarde les photos de ma vie révolue, en même temps que je sais bien que ce fut moi cette petite fille ou cette adolescente, en même temps ça ne me dit rien de ce que je fus, mes souvenirs sont totalement indépendants, à côté de ces clichés.
Profonde cette série sur le déclic!
Dominique Hasselmann a dit:
@Zoë Lucider : mais ces souvenirs, ils peuvent aussi en naître ou en être ravivés, non ?
le p'tit Suisse a dit:
Je suis toujours surpris par le taggage immodéré pratiqué en France et qu’on retrouve sur bien des photos du blog de D.H.et ailleurs. La peinture en « bombe » mitraille chaque coin de rue. L’indébilité de ces « vernissages » n’est parfois que le corollaire de la débilité primitive qui consiste à appuyer sur un bouton de plastique pour en faire jaillir une lumière qui n’a pas souvent grand chose à voir avec les rupestreries de Lascaux.. Tant qu’à taxer les grandes fortunes, autant le faire pour ces récipients métalliques chargés d’un liquide synthétique et collant. L’ivresse de la muraille barbouillée et le cri du coeur sortant du pulvérisateur n’enrichissent que les fabricants de peinture. En Suisse, pays primitif, je n’en ai guère vu, et le peu qui le font là-bas offrent parfois un plaisir pour les yeux, en barbouillant avec drôlerie des rames entières de trains.. Pas en France, où cet art fout le camp ! Je sais… ça coûte cher, une bombe de peinture….
Dominique Hasselmann a dit:
@ le p’tit Suisse : juste un tag pour répondre à ton commentaire.
PdB a dit:
Moi, j’aime pas les merco (même garée devant une magnifique allumette)(j’étais sûr qu’il s’agissait de la rue des récollets – à cause du truc resto à côté style garrice quelque chose à lak-, mais y’a pas de tabac dans cette rue-là) (c’est où, LTàG ?)
Dominique Hasselmann a dit:
@ PdB : si je traduis bien ton commentaire, Mercedes possède au moins une jolie étoile (et même une chanteuse s’en est emparée).
//// L’un de mes profs de philo (André Vergez) à la fac de Besançon garait sa Mercedes 300 SL dans la cour de la rue Mégevand, et quand il nous parlait de Spinoza (ou de Fourier) on rêvait de papillons…////
La photo a été prise boulevard de Charonne.
PdB a dit:
Ah merci… mais de toutes façons, toi tu les aimes assez ces voitures-là (les portes papillon sont formidables remarque) (mais j’aime pas les merco) (c’est comme ça) (toi, tu les aimes bien) (je suis, quand même)
@ PdB : des goûts et des carrosseries… Merci d’avoir retrouvé ce lien où déjà se profilait l’expo du musée du quai Branly ! D.H.
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