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"Django Unchained", Jamie Fox, Jean-Luc Godard, Jimi Hendrix, Leonardo DiCaprio, numérique, pellicule, Quartier latin, Quentin Tarantino, raciste, Sergio Corbucci, Sergio Leone
(Hier, Paris, rue Rambuteau, 14h.09. Agrandir est possible.)
Télérama (N° 3288) en a fait sa couverture et a tartiné (si l’on ose le jeu de mot) sept pages sur le dernier film de Quentin Tarantino, Django Unchained, sorti hier.
En rentrant de la projection du film (durée : 2 heures 45), en fin d’après-midi, j’ai lu l’article publié sur Rue89 et qui me semble vraiment à côté de la plaque car c’est un mauvais procès qui est dressé à son auteur : Django Unchained n’est pas raciste, il est raté, il n’a pas atteint sa cible – malgré les mitraillades à répétition – et il vaudrait mieux revoir les vrais « westerns spaghetti » comme la trilogie de Sergio Leone ou l’œuvre originale dont s’est inspiré le cinéaste américain, le Django de Sergio Corbucci (1966).
Car ici, le propos est lourd, démagogique, le suspense inexistant (Leonardo DiCaprio est pourtant excellent et Jamie Fox arbore un faux air de Jimi Hendrix qui le rend sympathique, tandis que Quentin Tarantino fait une apparition insignifiante), l’histoire interminable, les pétarades lassantes et la dynamite – à défaut de dynamique – qui fait long feu.
Dans l’interview de Télérama, Quentin Tarantino déclare, en réponse à la question d’Aurélien Ferenczi « Vous avez pris fermement position contre le numérique, pour la pellicule film. Pourquoi ? » :
« Le numérique, c’est le lent cancer de l’estomac qui tuera le cinéma tel que nous le connaissons. Il transforme le cinéma en télévision : la projection numérique, c’est de la télé en public. Bientôt, aller au cinéma sera inutile. Les films seront tous vus à la maison, sur des écrans de plus en plus grands, ou de plus en plus petits ! Pourquoi sortir de chez soi si c’est le Blu-ray que vous avez dans votre collection qui est projeté au cinéma ? Ce que j’aime à Paris, c’est la rue Champollion et ses petites salles de répertoire. Avec le numérique, bientôt, cela disparaîtra… »
La réflexion de Quentin Tarantino n’atteint certes pas celle d’un Jean-Luc Godard sur l’évolution moderne, à prendre en compte, du cinéma (et les exploitants des salles de la rue Champollion espèrent sans doute que Django Unchained ne sera jamais diffusé en DVD !) : pourtant, son copié-collé de films qui dépassent son dernier opus indigeste, vu les tonnes de sauce tomate déversées, figurera peut-être un jour dans une rétrospective imaginée au Quartier latin toujours cinéphile, là, ou ailleurs, quand la présence du spectateur dans la salle accompagne ou double le plaisir de la vision du film, quel qu’en soit le support ?
(17h.26. Agrandir est également possible.)
brigetoun a dit:
aurais je tort de penser qu’il est souvent préférable de voir les films dont Tarantino, avec sa grande culture cinématographique (que ce mot est laid !) s’est inspiré pour les siens ? je dois avouer pourtant que je n’en ai guère vu des seconds (ma grande époque cinéma remonte à vingt ans, quand on pouvait encore entrer en cours de séance dans les salles, sans faire la queue)
Dominique Hasselmann a dit:
@ brigetoun : c’est en tout cas ce que je pense pour celui-ci qui, sous prétexte de « revisiter » le western (en lui donnant une grosse touche « anti-esclavagiste »), est bouffi par la démesure – au détriment de toute pensée un peu profonde – et la volonté d’en mettre plein les yeux et les oreilles du spectateur.
Julien Boutonnier a dit:
Je me demande si Tarantino ne fait pas, avec ce film, un pas en arrière, par rapport à son précédent, Inglorious Bastard, son meilleur à mon sens, qui maltraitait l’histoire avec une joyeuse irresponsabilité, dans un mélange de bêtise juvénile et de mémoire cinématographique encyclopédique. Je n’ai pas vu Django mais votre texte nous dit qu’il y a une morale… Je ne crois pas que Tarantino pense en filmant, il jouit sans doute, mais il ne pense pas en image… alors un propos antiesclavagiste!
Je conseille de voir le premier Django, très très jouissif, avec Franco Nero au regard bleu sérac (et puis aussi Kaoma de Castelliari avec le même Nero, mythique!)
Dominique Hasselmann a dit:
@ Julien Boutonnier : au-delà de la parodie des autres, il en vient à se parodier lui-même, ce qui boucle la boucle (même en celluloïd).
Je ne dis pas que « Tarantino pense en filmant » (mais lire son interview dans Télérama), il en exprime seulement la prétention – et des films sur l’esclavage des Noirs aux USA existent avec nettement plus de force et d’impact(s) que le sien.
Je me souviens du premier « Django » : et grâce, en quelque sorte, à Tarantino, il va ressortir sur les écrans mercredi prochain, voilà au moins une bonne nouvelle !
Julien Boutonnier a dit:
ça c’est une bonne nouvelle en effet!
Merci pour vos publications et cet espace d’expression que j’apprécie tant.
Bonne journée!
@ Julien Boutonnier : je vous la confirme officiellement.
Bonne journée à vous aussi ! D.H.
le p'tit Suisse a dit:
Un peu de Gruyère suisse AOC râpé, pour faire passer la mauvaise sauce tomate de ce « western spaghetti » ?
Dominique Hasselmann a dit:
@ le p’tit Suisse : bonne idée, en se « fendant » la gueule !
Dominique Autrou a dit:
Il y a un velouté (pas de tomate) très singulier dans la pellicule 35 mm que l’on ne retrouve pas au numérique (Instagram n’a pas encore étudié la question ?) mais il faudra bien s’y faire.
Surtout, je ne comprends pas l’intérêt de ce reproche fait à la télé en public, elle existe déjà depuis longtemps dans les familles et les maisons de retraite, sans parler des outils de défiscalisation que sont devenus les centres médicalisés (compléter son portefeuille avec des SOFICA)
Aller au cinéma est un acte social, il faudra continuer (merci pour ton avis) ((et en dépit des commentaires émis par les voisins pendant les silences…))
Dominique Hasselmann a dit:
@ Dominique Autrou : je suis d’accord avec le velouté (idem pour les vinyles par rapport aux CD). Mais, comme pour Instagram, on pourra toujours rajouter des filtres sur la machine du projectionniste.
biscarrosse2012 a dit:
« la dynamite – à défaut de dynamique », j’aime beaucoup ça, comme aussi la citation de Sergio Leone de de son western « au visage humain ». Heureusement, les États Unis n’ont pas que la violence inutile. je suis personnellement très méfiant envers toute complaisance dans le côté horrible de la vie, que je trouve inutile et, évidemment vulgaire. Mais parfois il faut avaler le calice jusqu’à la lie. Toujours excellents vos reportages !
Dominique Hasselmann a dit:
@ biscarrosse2012 : il y a chez Tarantino une complaisance « sanglante » qui doit pouvoir s’analyser…
Claire a dit:
J’aime bien lire des avis sincères (mais motivés) sur les expos, événements ou manifestations. Et d’autant plus quand ils sont contraires aux conseils dits « avisés ». Bravo !
Dominique Hasselmann a dit:
@ Claire : j’ai évité de lire des critiques de ce film (à part celle de Télérama avec son interview), c’est juste un avis perso : mais Tarantino, sans doute… encensé dans toute la presse – un produit « grand public » à matraquer – est loin derrière le très très fort « There Will Be Blood » (pas encore vu « The Master » du même Paul Thomas Anderson).
Francesca a dit:
J’ai eu l’intention de le voir hier à l’UGC Danton mais le film était commencé depuis 3 minutes et ça, non, ce serait un peu comme un livre entamé à la page 3…
Ravie de l’avoir manqué, déjà douchée par la critique de Télérama et très très déçue par Inglorius bastard après lequel je m’étais dit « plus jamais de Tarantino » que j’avais tant admiré… Les mitraillages, les explosions, l’hémoglobine à grands jets, tout cela me hérisse depuis toujours, mais tout est dans la manière car, moi aussi, j’avais adoré « There will be blood » et je vais voir dès que possible « The Master » ! Cela n’empêche pas d’admirer les déclarations tonitruantes de Tarantino qui a souvent raison mais j’irai plutôt voir le Corbucci. Merci Dominique !
Dominique Hasselmann a dit:
@ Francesca : je m’en voudrais d’arracher une spectatrice à Tarantino ! Tu peux aller juger par toi-même (en déployant un parapluie lors des séquences sanguines).
Il est vrai que je crois qu’il a besoin de se reposer (à force de courir les plateaux de télé et les réunions de presse…) afin de préparer un prochain film peut-être un peu plus intimiste…
jeandler a dit:
Depuis que j’ai quitté le quartier Latin, ne vais plus au cinéma. Un tort sans doute quoique … J’aimais bien la cinémathèque lorsqu’elle hantait encore la rue d’Ulm !
Le temps du cinéma aurait-il passé de mode ?
Dominique Hasselmann a dit:
@ jeandler : vous y avez peut-être croisé Costa-Gavras ?
jeandler a dit:
Hélas, à cette époque (1977), je n’étais plus étudiant, passé de l’autre côté de la barrière…
@ jeandler : si vous avez pu la sauter sans mal, tant mieux ! D.H.