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Babel, cathédrales de papier, constructions, Enki Bilal, film "en abyme", La Poussière du temps, orgues, paysages mentaux, prince Orlof, Révolution russe, Theo Angelopoulos
(Paris, 21 février, rue des Récollets, 10e. Agrandir ou non.)
Ce sont des constructions chimériques, apparues au détour d’une rue, un peu comme une BD d’Enki Bilal, et au milieu d’elles un passant qui passe (le chaland n’est pas loin).
Ce sont des échafaudages de rêve – entendu hier soir dans La Poussière du temps, le si beau et dernier film de Theo Angelopoulos, sorti en France le 13 février après cinq ans de purgatoire et la mort accidentelle du cinéaste le 24 janvier 2012 : « la troisième aile [de l’ange] est l’utopie » – qui surplombent le jaune timide du mur.
Ce sont des cathédrales de papier, en noir et blanc, assorties aux visiteurs qui ne les voient peut-être même pas, et dont la finesse laisse présager la durée faible de leur apparition. Les pays traversés ont existé ou existeront.
Ce sont des orgues – comme celui, d’avant la Révolution russe, du prince Orlof dans le film « en abyme » – qui organisent leur musique architecturale et mettent sous cloche diaphane d’autres univers, mondes, villes et campagnes, monticules circulaires où les donjons répondent aux tours de Babel et escaladent jusqu’aux nuages sans témérité aucune.
Ce sont des paysages mentaux voués à la disparition, au vent, à la pluie, aux balais de plastique, éléments ennemis de l’imprévu : mais il aura suffi de les apercevoir le temps d’un battement de cil.
brigetoun a dit:
c’est un merveilleux billet qu’il fallait la peine d’attendre un peu, avant de me rencogner dans la grippette (laisse mes paysages mentaux s’effacer)
Dominique Hasselmann a dit:
@ brigetoun : j’avais mis la barre de la programmation à une heure qui fasse « dominicale » !
Claire a dit:
Ces deux images subliminales sont superbes. Aucune piste pour expliquer leur présence dans cette rue ?
Dominique Hasselmann a dit:
@ Claire : si (à condition d’agrandir l’image), une indication tout dans le bas.
gballand a dit:
Ce film m’a échappé, mais ce que vous en dites donne envie de s’enfermer dans une salle obscure. De même que se « réfugier » dans un paysage mental entre deux battements de cils me semblerait délicieux 😉
Dominique Hasselmann a dit:
@ gballand : au cinéma, si la salle est chauffée, c’est plus confortable !
les cafards a dit:
magnifiquement saisi !
les cafards a dit:
on ne sait pourquoi, on pense à Tati (Jacques of course)
Dominique Hasselmann a dit:
@ les cafards : j’ai pensé que c’était le type (pourtant pas aveugle) qui était mené par son chien.
biscarrosse2012 a dit:
J’arrive en retard, mais je ne me surprends pas de trouver des choses neuves et très intéressantes qui s’ajoutent. Pour un paysage mental qui disparaît dans le temps d’un battement de cil, un autre, peut-être suggestif aussi, peut s’afficher. Peu importe si ce n’est pas toujours un beau paysage (ou un beau film, ou livre). Car, enfin on est nés pour lutter, pour faire à notre façon quelque chose d’utile, essayant d’expliquer le paysage qui est en nous… (Je n’attends pas de réponse à ces divagations…)
Dominique Hasselmann a dit:
@ biscarrosse2012 : je ne répondrai donc pas à ce que vous appelez vos « divagations »…
(même si je suis bien d’accord sur l’avant-dernière phrase)…
Lignes bleues a dit:
Donjon bateleur, arcades inversees, architectures recomposees ( un petit souvenir piranesien ) Art in progress : (;)
Dominique Hasselmann a dit:
@ Lignes bleues : vous avez dévoilé une partie du mystère. Mais l’homme au chien n’était pas prévu.
PdB a dit:
aller au cinéma, oui (vu hier soir « les anges déchus » du hongkongais Wong Kar-Waï, maniéré mais drôle et très idéal-typique du film noir à rebours : bien, à conseiller)
Dominique Hasselmann a dit:
@ PdB : noté, merci.
Julien Boutonnier a dit:
L’horloge du dessin de gauche semble indiquer 06h15… du matin, du soir? Quelle heure peut-il bien être dans les nuages? La poussière du temps tient-elle d’un rêve? Nos rêves ont-ils un âge? 06h15, peut-être cette heure n’indique-t-elle pas un point dans le temps mais une émotion perdue, un sentiment, une intuition?
Et pourquoi mon week-end doit-il prendre fin?
Dominique Hasselmann a dit:
@ Julien Boutonnier : l’heure, une illusion qui marque.
Zoë Lucider a dit:
Le Masque et la Plume recommandaient, ce soir. Ce n’est pas forcément une caution mais ajoutée à la tienne, ça prend du poids
Dominique Hasselmann a dit:
@ Zoë Lucider : oui, mais pour certains c’était un peu du bout des lèvres…
jjd a dit:
Anton Voyl n’arrivait pas à dormir. Il alluma. Son Jaz marquait minuit vingt. Il poussa un profond soupir, s’assit dans son lit, s’appuyant sur son polochon. Il prit un roman, il l’ouvrit, il lut : mais il n’y saisissait qu’un imbroglio confus.
Plus tard, voulant toujours y voir plus clair, il tint un journal.
Il prit un album. Il inscrivit au haut du folio initial :
LA DISPARITION.
Ainsi naquit, mot à mot, noir sur blanc,…, un roman qui, pour biscornu qu’il fût, illico lui parut plutôt satisfaisant.
georges perec
Dominique Hasselmann a dit:
@ jjd : il avait simplement oublié d’enlever quatre lettres dans son nom.
Désormière a dit:
J’adorerais entrer dans ces villes terrifiantes, à condition de pouvoir en sortir…
Dominique Hasselmann a dit:
@ Désormière : pour l’instant, il semble que l’on puisse le faire…