Aujourd’hui, j’ai le grand plaisir d’accueillir ici l’ami Piero Cohen-Hadria, tandis qu’il me reçoit, une fois de plus, sur son blog Pendant le week-end.
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On avait dit pas de contrainte, de consigne d’idée ou pas de rendez-vous.
Juste un échange.
Il y avait sur Paris un peu de neige
ce soir-là, nous sortions du Général (telle de la cuisse de Jupiter
Athéna la Déesse), il y avait des rues et des couleurs, il y avait le froid crissant, et des piqûres aux joues (on marche quand même). On voit venir vers nous cet avenir radieux, printanier, joyeux et heureux. Des images d’Epinal (celui du notulographe) : quand il neige, on ne peut pas s’empêcher de sortir pour voir un peu cette blancheur, immaculée, intacte, vraie, propre et saine… puis la température monte, et s’effacent ces illusions, tel est le printemps, des fleurs des fruits et des roses, certes, mais aussi les cortèges de guerres, de morts et de sang, telle est la planète, tel est le monde. On retournera au cinéma, on continuera à aller voir ceux qu’on aime, ils nous manqueront quand ils ne seront pas là, (c’est le lexique qui manque mais elles aussi), ce n’est pas écrire pour eux, mais chez eux, il y a de la lumière, il y a de la vie, avançons si tu veux, allons donc, marchons, remonté la rue La Fayette, ce soir-là, il y avait encore le portrait de Chokri Belaïd collé sur une des portes, numéros impairs, entre le Magenta et la rue de Saint Quentin,
nous avons traversé le pont du chemin de fer duquel se jette, il m’en souvient, un Diego incarné par Yves Montand (« Les Portes de la nuit » Marcel Carné, 1946, scénario Prévert, musique Kosma, décors Trauner…), remonté la rue ensuite, on continuera d’aller voir des expositions, des tableaux, surréalistes ou non, rive droite ou pas, Rrose Sélavy ou Avida Dollars, « il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous » cette phrase d’Eluard, je repense à René Char, à sa femme croisée au café Bonaparte pour un bel entretien, je n’écris pas pour mais j’écris chez, à tous ces disparus comme aux miens j’aimerais pouvoir écrire
sur la neige, blanche, propre, sur le pare-brise, oui, pour qu’ils le sachent (ils le savent) et le jour se sera levé, et le soleil aura brillé, et la neige emportant avec elle comme de l’eau ce message, elle glissera et mes mots à jamais se seront effacés…
Ce matin, dans ma cuisine, brillait une lumière