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"Digesteur", Bailleul (Nord), paravent de vêtements et de briques, transmettre les pensées, Wikipédia
De génération en génération, j’ai survécu. En me glissant de manière subreptice dans le corps de mes descendants, je suis passé au travers des ans, des siècles, et je me suis installé dans cette localité du Nord de la France.
Ma boutique est simple d’apparence (c’est un paravent de vêtements et de briques) et se fond dans l’architecture générale de la ville, rebâtie sur les plans du modèle ancien, après son bombardement et sa destruction à 98 % par les Allemands à partir du 23 mars 1918.
Je vis incognito dans la chambre tout en haut, je continue à inventer (je suis toujours en avance sur mon temps), et j’aime disposer de cette vue sur la grand-place et le beffroi qui sonne et chante régulièrement sa ritournelle sans désemparer.
Mes papiers, mes dessins, mes croquis, mes plans s’entassent, oui, je les ai gardés, l’encre n’est pas effacée, un ami par accroc me tanne pour mettre tout ça sur ordinateur puis Internet, il voudrait même que je dévoile mes nouveaux projets : mais l’heure n’est pas encore venue.
Les idées font toujours la course dans ma tête – une de celles qui me tient vraiment à cœur : pouvoir transmettre les pensées entre humains sans intervention matérielle aucune – et souvent je me dis que c’est mon « Digesteur » qui va finir par exploser.
Sur Wikipédia, on m’a enterré un peu rapidement : mais je ne désespère pas, si mon grand-œuvre devait aboutir, qu’un « contributeur » ajoute là, dans quelque temps, un paragraphe qui mette alors enfin ma biographie à jour.
(Bailleul, Nord, le 10 mars matin. Cliquer ou bouger l’image pour l’agrandir.)
(Dietrich Buxtehude, Abendmusik)