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Centre Pompidou, Cour centrale de l'Ile des morts (obession reconstructive d'après Böcklin), expo, images hypnagogiques, L'Angélus de Gala, Le Grand Masturbateur, Salvador Dali, Télérama, trente ans après, Un chien andalou
Par un coup de téléphone bien intentionné, j’avais été averti mercredi matin qu’aucune file d’attente ne gênait l’accès (habituellement, compter deux à trois heures) à l’expo Salvador Dali au Centre Pompidou. Il est vrai que la couverture de Télérama du 16 au 22 mars porte comme titre : « Les expos marchent, les visiteurs piétinent ». Je pris le métro à mon cou et j’émergeai vingt minutes plus tard, vers 13 heures, sur la piazza Beaubourg.
Ce qui frappe dans cette manifestation où règne « le Maître » – comme si c’était lui-même qui avait mis en scène la rétrospective de « plus de 120 tableaux, dessins, objets, projets, films et documents d’archives » (selon la brochure disponible à l’entrée) – c’est la profusion (et la fusion tout court), la richesse (à dollars), l’invention (c’est bien le moins), la multiplicité des genres abordés (sauf la musique, semble-t-il), la surprise permanente (liée à l’amour et à l’humour), la provocation (ou la vocation catholique, apostolique et romaine), la finesse du trait (et sa méticulosité) exactement parrrrrrrrrrrreille à celle de ses moustaches.
On ne sait trop où donner de la tête, il faut faire des choix, la foule n’est pas nombreuse – vive la météo polaire critique ! – et s’approcher des tableaux est facile pour examiner à la loupe oculaire telle ou telle toile, ou embarquer dans cette scène-ci ou celle-là du film Un chien andalou (1928), à revisionner ici même en ouvrant le lien magique.
Surtout, ne pas prendre pour argent comptant, si l’on ose dire, le personnage de Dali, l’extravagance faite homme : car ses œuvres sont le reflet de l’insolence même de la création qui touche au rêve, à l’inconscient, au domaine du surréel, homologué ou pas.
Il est interdit de prendre des photos en ce lieu : mais un Japonais ne se gênait pas devant moi, et j’avoue que n’ai pas bien compris pourquoi on montrait alors la vignette d’un appareil photo à côté de chaque tableau. Mais pour ne pas déranger les gardiens et gardiennes assis sur leurs chaises, et n’ayant pas repéré de vigiles en civil à leur physionomie redoutable, je n’ai capturé que quelques clichés, au pur hasard du labyrinthe artistique (quand il était non surveillé), ce qui est logique, après tout.
Le 25 mars, l’expo se clôt. Le printemps aura déjà succédé à ces paysages délirants, à ces représentations oniriques et ironiques, à ces photos mentales ou spirites, à ces images hypnagogiques, et marquera, espérons-le, trente ans après sa première démonstration, l’équanimité de la Dali’s faction.
Cour centrale de l’Île des morts (obsession reconstructive d’après Böcklln), 1934.
Affiche surréaliste, vers 1934.
L’Angélus de Gala, 1935.
[☛ à suivre]
Claire a dit:
Ce doit être exceptionnel de visiter dans ces conditions, chapeau les ondes du téléphone !
Dominique Hasselmann a dit:
@ Claire : une expo qui semblait soudain n’avoir aucun succès !!!
francisroyo a dit:
Même un pot de Raynaud pour recueillir la neige !
Dominique Hasselmann a dit:
@ francisroyo : tout est bien organisé, en fait.
brigetoun a dit:
vive la météo, quoique pas si vides les salles (mais oui on devait pouvoir regarder en paix) – plaisir de retrouver les vues – plaisir de reconnaître trois des tableaux (les plus célèbres avec les montres)
Est ce que la profusion ne donne pas un peu l’impression (sans doute fausse, vous avez raison) d’une facilité trop grande, d’un manque de nécessité, de profondeur ? raison du discrédit
Dominique Hasselmann a dit:
@ brigetoun : non, la profusion donnerait plutôt envie d’y retourner (dans ces conditions d’approche facilitée).
Le « discrédit » (venant de qui ?) tient plus aux fanfaronnades publicitaires de Dali lui-même qu’à ses œuvres dont certaines sont devenues des classiques indémodables.
Nicolas Bleusher a dit:
La neige et son pouvoir Salvador…
Dominique Hasselmann a dit:
@ Nicolas Bleusher : Salve Regina, Salve Gala…
Claire a dit:
Votre dali_5dh me fait l’effet d’un passage piéton géant sur la Piazza. C’est très beau (un peu tiré par les moustaches, mais bon !)
Dominique Hasselmann a dit:
@ Claire : et je n’ai vu le reflet de l’escalator qu’une fois les photos transférées sur mon micro : donc celle-ci est un peu « surréaliste » (involontairement) !
Lignes bleues a dit:
Expos-spectacle : politique de la chaise (de gardien) vide, extinction des feux de foule et profiter de feu la foule…
Dominique Hasselmann a dit:
@ Lignes bleues : un affaire de créneau dans la forteresse (presque) vide…
biscarrosse2012 a dit:
Puisque les éloges sont interdits, je me borne à « apprécier vivement » et à dire que je partage entre autres ce constat critique de la « finesse du trait (et sa méticulosité) exactement parrrrrrrrrrrreille à celle de ses moustaches », avec l’image du « grand masturbateur » confié au mot-clé (ou tag) du web.
On ne peut pas ne pas reconnaître l’immense valeur de Dalì, qui d’ailleurs nous offre, à chaque fois, l’ensemble et l’intégrité presque d’une époque, la sienne, « douloureuse mais béate ».
Mais, j’imagine (et partage un peu) le petit sentiment de frustration des multitudes d’artistes pulvérisés (tenus à l’écart par un monde de l’art qui va de plus en plus se renfermer dans des logiques d’argent tout court), des petits Picasso ou Dalì ou Chagall appartenant à cette époque-ci, la nôtre, « douloureuse et contradictoire », qui sont obligés de se mettre en queue pendant des heures, pour rendre hommage aux gagnants et à leurs héritiers (bien sûr avec la passion de l’admiration et du sincère amour pour l’art). Ils ont en plus la petite déception d’avoir amené inutilement leur appareil photo, pour ne capter que d’images d’impuissance (la leur). Heureusement le Beaubourg est une passerelle urbaine unique. Et la neige ajoute des émotions merveilleuses !
Dominique Hasselmann a dit:
@ biscarrosse2012 : Aucune affichette avec la mention « Éloge interdit » ne figure sur ce blog…
Merci donc pour votre commentaire : il est vrai qu’il reste, pour « les petits Picasso ou Dali » quelques galeries, en attendant un jour la « consécration » du Centre Pompidou ou d’un autre grand musée, si elle leur semble jamais nécessaire !
Skif a dit:
Did you lay « La Femme Visible » on purpose (or on a soft watch mattress ? But this might be a secret)
Dominique Hasselmann a dit:
« La Femme Visible » is that red book under a glass. More precisions here.
« The Soft Watches » are too much known to be photographied. Watch… other links !
godart a dit:
Il ne serait pas étonnant que la comète Pan-Starrs, mélange gazeux de surréalisme et de pop art, soit chevauchée par Andy Warhol et Salvador Dali, propulsée par leurs deux énergies inépuisables.
Dominique Hasselmann a dit:
@ godart : et le décor de nuages serait de la main de Magritte.
Zoë Lucider a dit:
Très belles les perspectives sur Beaubourg enneigé. Tu as des espions postés Place Saint-Merri ? Dali lui-même n’est-il pas en poste sur un des murs si ma mémoire ne me trahit pas?
Dominique Hasselmann a dit:
@ Zoë Lucider : oui, certains d’entre eux font habituellement le pied de grue.
Si tu fais allusion à la photo de Dali sur le bâtiment lui-même, ouvre le tout premier lien de l’article, c’est la troisième illustration.
Sinon, je ne vois pas…
alainlecomte a dit:
vu cette expo fin février… cette profusion est effectivement jouissive. C’est inouï comme la verve de Dali a gardé intacte sa forme subversive aujourd’hui… J’aime beaucoup l’audace de ses interprétations multiples (« paranoïa-critiques »!) des glaneuses de Millet, et puis bien sûr toutes ses déclarations devant les journalistes ébahis de la vieille télé en noir et blanc… Le comparer à qui aujourd’hui? Bon, oui, je sais, son soutien à Franco…. (mais n’était-ce pas à comprendre au nième degré?)
Dominique Hasselmann a dit:
@ alainlecomte : oui, on se dit que les murs du musée sont étroits pour contenir son imagination…
Franco, Lénine… j’y reviens un peu demain matin : Dali, artiste aussi de la provocation qui peut mener effectivement à méprise(s) !
Qui, de cette envergure aujourd’hui ? Je dirais bien Anselm Kiefer (et non ce Jeff Koons protégé d’un milliardaire).
Fabrice a dit:
Mise à part Anoïa, c’est qui Zophrène ? Vaste et belle exposition à la gloire du pastiche rétinien et de la gondole argentée. Tout y est pour dénoncer sans le faire ouvertement, et récupérer sans en avoir l’air. Un tour de passe-passe croquant comme la barre de chocolat Lanvin.
Dominique Hasselmann a dit:
@ Fabrice : Krit Ick devrait pouvoir te répondre.
En tout cas, tu es tout à fait au parfum (dommage que l’on ne trouve pas la gamme des « produits dérivés » dans la librairie à la sortie), mais le plaisir est quand même au rendez-vous, non ?
Sorcière a dit:
J’ai, dans ma jeunesse croisé Dali une fois à Paris. Sa femme était présente. J’étais avec quelques amis et j’avoue qu’à l’époque je ne connaissais rien de sa peinture ni de lui, donc aucun a priori. J’ai le souvenir de 45 mn en présence d’une sorte de provocateur totalement cabotin bousté par une femme totalement vulgaire qui le dominait. Il m’en reste le souvenir d’une sensation de malaise et de dissonnance.
Quand j’ai appris bien plus tard les circonstances assez tragiques de sa mort, je n’ai pas été étonnée …
Quand je regarde son oeuvre, je continue de ressentir cette dissonance et le personnage continue de me déranger sur le plan humain, même lorsque l’oeuvre me séduit.
Dominique Hasselmann a dit:
@ Sorcière : merci pour l’évocation de ce souvenir.
Julien Boutonnier a dit:
J’aime bien la photo de la chaise noire qui, associée au travail de Dali, prend une sorte de dimension… métaphysique… à la De Chirico, bizarrement (c’est l’association de la chaise du vigile et du rouleau et extincteur du pompier j’imagine…)
Dominique Hasselmann a dit:
@ Julien Boutonnier : ou un Van Gogh moderne subrepticement introduit dans l’expo…