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"Poilu", Aristide Briant, Aristide Quillet, Brassens, casques à cimier, grands-pères, guerre de 14-18, Jean-Baptiste-Eliacin-Noël Baby, Patrie, Pétain, prix Goncourt, Vesoul (70)
Mes deux grands-pères ont participé à la guerre de 14-18 : l’un, du côté paternel, possédait encore dans son grenier de Vesoul (70) deux casques à cimier, des masques à gaz, et il accrochait un drapeau français sur la façade de sa maison, 48 avenue Aristide Briand, tous les 11 novembre.
L’autre, du côté maternel, figure dans le premier des deux tomes d’un livre assez incroyable – qui n’a jamais reçu le prix Goncourt – et que m’a légué ma mère, Paulette Baby : il conte, par le menu (ou plutôt le haché menu) les combats au jour le jour qui se déroulèrent pendant ces quatre années terribles.
Chaque « Poilu » avait reçu un exemplaire du livre à l’élaboration duquel il avait participé, puisqu’il en était sorti vivant, avec son propre portrait au début du tome. Ce fut le cas de Jean-Baptiste-Eliacin-Noël Baby.
Dans le tome 1 en ma possession, sur l’une des pages de garde, un morceau a été soigneusement découpé au ciseau et a disparu : c’est l’« Hommage au soldat français par M. le maréchal Pétain » (que l’on peut retrouver néanmoins, de manière manuscrite, dans le second tome, page 50).
Ecrit comme des comptes rendus « neutres », ou parfois d’un lyrisme sanglé dans l’uniforme « bleu horizon », des attaques, des assauts, des bombardements, des ensevelissements, des déchiquetages, des blessures, des morts – avec un grand nombre de reproductions de titres de journaux, des photos noir et blanc, des dessins, des pastels, des cartes géographiques dépliables… – l’ensemble produit un formidable panorama audiovisuel avant la lettre (et le néant).
A vrai dire : une véritable mine.
Ici, j’ai pris juste quelques photos de ce livre, comme si un combattant se dressait encore, pour la survie et l’honneur de la patrie, et venait témoigner des souffrances vécues alors, indicibles et toujours vivantes dans la mémoire de ceux qui attachent de la valeur à l’Histoire.
Ce qui n’empêche pas de garder la distance à la Brassens nécessaire ou souhaitable avec une boucherie de ce genre.
(Librairie Aristide Quillet, éditeur. Paris, 1922. Deux tomes.)
(Photos : cliquer pour agrandir.)
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Liliane Langellier (@LaLangelliere) a dit:
Oh ! C’est très très émouvant (larmes au bord des yeux), grand merci Dominique.
Dominique Hasselmann a dit:
@ Liliane Langellier : c’est ma petite contribution au grand tsoin-tsoin qui se met en place… Mais j’ai toujours gardé ces deux livres comme des biens précieux.
gballand a dit:
De l’esprit et des lettres pour nous conter 14-18…
Dominique Hasselmann a dit:
@ gballand : merci pour votre visite.
brigetoun a dit:
oh ! un de mes grands pères a bien entendu participé à la guerre (l’autre trop vieux, chargé famille et hors hexagone) et comme lieutenant s’est offert presque tous les moments disons marquants… mais n’avais jamais entendu parler de ce livre ! oui certainement une mine !
Dominique Hasselmann a dit:
@ brigetoun : « s’est offert… « , si l’on peut dire !
dominique autrou a dit:
Le «Quillet», dictionnaire favori de ma grand-mère. Un des premiers outils, je crois d’ailleurs que son usage m’était plus ou moins surveillé pour éviter les découvertes fortuites et sources de question… embarrassantes.
Dominique Hasselmann a dit:
@ dominique autrou : je n’ai pas connu le Quillet, mais j’aimais bien effeuiller le Larousse !
lizathenes a dit:
Hommage à toute une génération de sacrifiés.
Dominique Hasselmann a dit:
@ lizathenes : sans compter ceux qui le furent « pour l’exemple » !
biscarrosse2012 a dit:
« il conte, par le menu (ou plutôt le haché menu)… » ! !
Merci pour l’équilibre, l’orgueil identitaire que je ne peux que partager avec la plus vive et fraternelle émotion, et aussi pour l’ironie autour des petites occultations qui font partie de l’histoire personnelle de chacun (« un morceau a été soigneusement découpé au ciseau et a disparu »).
Merci pour reconnaître le même équilibre, orgueil et ironie au grandissime Brassens.
Dominique Hasselmann a dit:
@ biscarrosse2012 : j’ai été content (historiquement parlant) de retrouver ce texte du maréchal Pétain, sans doute « censuré » lors de la seconde guerre mondiale !
PhA a dit:
Le mien a passé le plus gros de la guerre en camp de prisonnier. Sinon je ne serais peut-être pas né.
Dominique Hasselmann a dit:
@ PhA : j’ai lu une partie de son odyssée sur ton blog…
Chesnel Jacques a dit:
J’ai un grand-oncle qui a été tué le 14 novembre, 3 jours après l’armistice… il n’y avait pas encore les téléphones portables !
Dominique Hasselmann a dit:
@ Chesnel Jacques : il ne l’a pas échappé belle.
PdB a dit:
Plus jamais ça, peut-être.
Dominique Hasselmann a dit:
@ PdB : hélas, ailleurs et sous d’autres formes…
Francesca a dit:
Des trésors, ces livres ! Je n’ai eu que de l’oral dans ma famille et encore d’un seul côté, mon grand-père paternel refusant d’évoquer cette terrible épreuve qu’il avait menée du début à la fin avec juste « une petite blessure de rien » (dixit), mais il virait très souvent ma grand-mère du lit conjugal en hurlant pendant ses cauchemars récurrents.
Quand je m’informais sur l’identité de tel ou tel beau jeune homme dont le portrait ornait les chambres, on me répondait trop souvent qu’il s’agissait de Lucien, d’Auguste ou de Julien, frères, oncles, cousins, tous morts à la guerre. Quel gâchis !
Dominique Hasselmann a dit:
@ Francesca : on a l’impression qu’ils se ressemblaient tous beaucoup, comme appartenant indéfectiblement à une « classe d’âge » marquée au fer des baïonnettes…
alainlecomte a dit:
Intéressant de trouver ces vieux ouvrages, il faut sans doute avoir gardé de beaux greniers pour cela… Pétain avait une belle plume, dommage que…
Dominique Hasselmann a dit:
@ alainlecomte : un carton suffit… et la plume de Pétain est devenue serve un jour.
claudiapatuzzi a dit:
Ta mère avait raison de te donner ce « trésor » !
Dominique Hasselmann a dit:
@ claudiapatuzzi : je comprends qu’elle en ait pris soin aussi !
Zoë Lucider a dit:
La « grande guerre », il y a dans l’intitulé quelque chose d’admiratif alors qu’on devrait l’appeler l’horrible guerre, l’ignoble ou l’abominable.
Dominique Hasselmann a dit:
@ Zoë Lucider : certains prendront l’adjectif (qui date vraisemblablement de l’époque dans le contexte historique de laquelle il faut essayer de se remettre) dans son acception de « démesurée » et d’inimaginable.