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appareil optique, Canaletto, Douane de mer, François Pinault, Francesco Guardi, L'Escalier des Géants du Palazzo Ducale, musée Maillol, Raymond Depardon, Venise
On peut toujours voir Venise en peinture – après l’admiration en vrai – et la différence est minime ou minimaliste avec Canaletto, l’as du canal, l’entomologiste des vedute (vues urbaines captées sur place), le dénombreur des Vénitiens, de leurs palais, de leurs gondoles, de leurs ponts, de la lagune et de ses îles, de leurs jours ensoleillés ou de leurs ciels plombés.
Après Venise, Canaletto à Paris : l’exposition que lui consacre le musée Maillol est de toute beauté, car elle enfonce en quelque sorte le clou marin, miracle encadré de la répétition (pas de portraits) des paysages de la cité des Doges, uniquement des plans larges, des perspectives de la ville et de ses quais, des lignes de fuite, une géométrie de la précision jusque dans les plus petits détails, comme examinés à la loupe – avec l’aide du fameux Carnet de croquis et de l’incroyable appareil optique (miroir de la vision agrandie) qui précéda en quelque sorte la « chambre photographique » utilisée encore récemment par Raymond Depardon.
Méticulosité singulière de Canaletto : les personnages minuscules sont à leur taille humaine puisque pris dans le décor supérieur de la cité vénitienne, ils discutent entre eux, travaillent, regardent vers le large ou à la pointe de la Douane de mer (le milliardaire François Pinault n’y avait pas encore installé sa fondation). Ils sont vivants, on entend presque leur babil, la musique de leur langue, et l’ambiance du commerce sous toutes ses formes, immortalisé ainsi il y a seulement trois siècles, hier en fait.
C’est ici que la peinture se dépasse elle-même et atteint le rêve de la réalité ou la réalité du rêve : transporter, comme dans une œuvre de science-fiction, les personnages qu’elle montre comme s’ils étaient soudain à côté de nous, avec leurs habits chamarrés, les bâtiments avec leurs stores bleus et blancs mobiles en fonction de la course du soleil, transmettre un instant, un moment d’une période qui nous parvient comme si l’art du peintre avait réussi à abolir le temps du passé et l’avait transmué en présent par pure magie (sous la capuche noire d’un dispositif pénétrant jusqu’à l’œil).
(Reconstitution du dispositif optique de Canaletto.)
(Toile de Francesco Guardi, Google Earth avant la lettre.)
(L’Escalier des Géants du Palazzo Ducale, 1755-1756.)
(Toutes les photos : cliquer pour agrandir.)
(Vivaldi)
brigetoun a dit:
ces sublimes cartes postales destinées aux riches touristes anglais, enfin aux jeunes nobles qui faisaient leur tour d’entrée dans la vie
et les merveilleux dessins
Merci de nous en donner généreusement un écho
Dominique Hasselmann a dit:
@ brigetoun : les « cartes postales » de l’époque avaient un format hors-normes !
brigetoun a dit:
les touristes de l’école étaient appliqués, ils faisaient leur éducation et avaient des moyens hors normes (n’empêche qu’ils ont provoqué et soutenu ces paysagistes dont Canaletto est le meilleur, tant qu’il sort de cette « niche »)
Dominique Hasselmann a dit:
@ brigetoun : sa « niche » était donc de dimensions respectables…
jeandler a dit:
Comme si nous étions à l’expo et à Venise.
Le peintre vendait ses cartes postales ?
La quatrième image est superbe : on croirait que les visiteurs se sont arrêtés devant une fenêtre (d’un palais, naturellement) ouverte. Saisissante image !
Calypso a dit:
Et l’enchaînement des deux dernières (dont l’une retouche habilement la première) n’est pas mal non plus.
Dominique Hasselmann a dit:
@ Calypso : la voûte de l’un m’a fait penser à celle de l’entrée du musée, proche de la fermeture à 18 heures. D.H.
Dominique Hasselmann a dit:
@ jeandler : j’ai traversé la boutique sans m’attarder (puisque j’avais mes propres cartes postales).
Normalement, il est interdit de prendre des photos, un gardien me l’a signifié – et j’en fus fort étonné… Il faudrait fouiller « à corps » les visiteurs à l’entrée.
Merci pour votre remarque.
dominique autrou a dit:
Dont acte (de Maillol ne connaissais que d’autre formes, susceptibles également de se poursuivre au long d’une ligne de fuite).
Dominique Hasselmann a dit:
@ dominique autrou : le corpus du paysage urbain remplace pour un temps (même si on peut en apercevoir) les corps patinés du sculpteur.
miriam a dit:
vu au musée Jacquemart André pas l’expo de Maillol. Avez vous vu les 2?
Dominique Hasselmann a dit:
@ miriam : non, celle-là est fermée le dimanche. Mais je ne doute pas qu’elle se complètent toutes les deux.
PdB a dit:
Il (me) revient toujours cette vulgarité qui est la marque de la classe à laquelle j’appartiens (petite bourgeoisie de province pour laquelle les dépenses sont difficiles à honorer parce que les salaires sont difficiles à gagner) (désolé) (il ne s’agit pas d’une attaque ad Tourne-à-gauche hein) mais 11 euros l’entrée (on va dire « c’est une place de cinéma…! » ou bien : « qu’est-ce que c’est qu’une place de théâtre,30, ou 40 ou 50 ? » , sans compter l’opéra, ou les concerts ou le « droit » d’entrée à la fiac 40) c’est trop cher pour moi… Vraiment désolé (et pourtant, comme j’adore Venise…)(voir la Salute, l’escalier du Palais des Doges, ou le Rialto, simplement fait bondir mon imagination…) (je regrette)
Dominique Hasselmann a dit:
@ PdB : si je me souviens bien, tu es allé voir l’expo Gerhard Richter au Centre Pompidou (à moins que tu ne possèdes le « laissez-passer annuel », vite amorti, à 48 euros avec accès illimité pour expos, cinés, conférences, etc.), dont le tarif « ordinaire » était… de 13 euros.
Et là, dimanche, je fus généreusement invité.
Par ailleurs, il est vrai que le théâtre et l’opéra sont beaucoup plus chers, et pour les concerts ça dépend : ceux de la Cité de la musique sont vraiment plus abordables (sur le plan tarifaire) qu’à la salle Pleyel !
J’espère que la Philharmonie de Paris, bâtiment de Jean Nouvel en construction, offrira des prix démocratiques.
PdB a dit:
Pour Richter, j’étais invité aussi tu vois (généreusement, en effet) : mais ça ne change rien, la culture n’est pas un passe-temps de prolo, voilà tout… Pour la Philharmonie de Paris, ils se gardent bien de donner des fourchettes tarifaires (je ne parle pas d’argent, tu vois) : ce monde-là m’exaspère et m’indigne
@ PdB : à la Cinémathèque (où je crois savoir que tu te rends de temps à autre), le 6 octobre : « Singularités d’une jeune fille blonde », de Manoel de Oliveira = 6,50 euros. Donc voir deux films de ce cinéaste équivaut au prix d’une entrée à Beaubourg. Il faut bien choisir ses films.
Mais ne pas habiter Paris éviterait la tentation des musées, enfin, je ne parle pas de Metz où se trouve un Beaubourg-bis ou d’Abou-Dhabi qui hébergera un deuxième Louvre (ça peut servir de destination en 2013) ! D.H.
Jeanmi a dit:
Quelles merveilles que ce Canaletto a réussi à capter de façon « photographique » On dirait qu’il invente la perspective…
Dominique Hasselmann a dit:
@ Jeanmi : il avait non seulement le compas mais l’équerre dans l’oeil.
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stéphane alcoat a dit:
Merci pour ces images et spectateurs d’images.
En aval de ces eaux presque stagnantes, voici une oeuvre du neveu, le fils de Fiorenza Canal, bien connu des Viennois.
Dominique Hasselmann a dit:
@ stéphane alcoat : oui, il y avait beaucoup de canaux dans la famille !
Pierre Chantelois a dit:
Ce peintre des grands canaux me semble fascinant. Et j’aime cet effet de zoom rapproché et de zoom éloigné de la première et de la dernière photo du reportage (entrée du Musée). 😉
Dominique Hasselmann a dit:
@ Pierre Chantelois : merci pour l’observation !