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Jeudi 18 août (coïncidence ?), j’avais lu dans Le Monde des livres l’article d’Eric Chevillard sur Hymne, le dernier livre de Lydie Salvayre – j’aime les chromosomes de son prénom et de son nom – consacré à la fusée brûlante que lança Jimi Hendrix vers les cieux américains.

Je viens de le découvrir, c’est un magnifique morceau de musique littéraire en accord exact avec ce à quoi renvoie son titre, l’interprétation renversante, inouïe, le 18 août 1969, à 9 heures du matin, du guitariste et chanteur sur la scène du festival de Woodstock, de l’hymne américain The Star Spangled Banner.

Bien au-delà d’une courante biographie chronologique (« la légende hendrixienne »), sans s’embarrasser de termes techniques (la pédale wah-wah, page 109), Lydie Salvayre embrasse avec un style tout en good vibrations la vie et l’œuvre de Jimi Hendrix dont l’acmé est sans doute ce cri électrique quasiment mortel – repris dans le fameux film Woodstock de Michael Waldleigh, avec pour assistant, notamment, Martin Scorsese – et qui devient le pivot central, « le moteur à propulsion de la pensée » (page 194), de cet hommage éperdu.

« Ils pressentirent que cette fulguration, que cette salve d’une puissance à vous flanquer par terre, que cette beauté furieuse dont ils étaient les témoins, n’avait nul précédent et ne se répéterait jamais plus.

Ils pressentirent qu’elle dépassait le champ musical, qu’elle dépassait le champ poétique, qu’elle dépassait le champ politique, qu’elle dépassait les protestations à quoi souvent, par la suite, on voulut la réduire.

Ils pressentirent que la forme nouvelle et la langue nouvelle qu’ils attendaient pour exprimer à la fois leur dégoût du mensonge et l’horreur de la guerre, leur appétit de vivre et leur faim d’infini, ils pressentirent que cette forme nouvelle se trouvait, là, soudain, incarnée. » (page 29)

La timidité de Jimi Hendrix, sa découverte de Londres et de Chandler (Chas, l’ex-musicien des Animals, devenu producteur), sa dérive dans la drogue et l’alcool pour cause de contrats empilés par son manager Jeffery, mais sa créativité, son originalité, sa solitude et son rapport à la multitude, tout est dit, découpé, scandé par Lydie Salvayre avec le retour à l’image originelle :

« Hendrix fut celui qui, parce qu’il avait vécu le pire, fit danser les étoiles sur la bannière américaine. » (page 44).

Dans Hymne, le terme salvation est utilisé une fois (je n’ai pas noté la page), mais il est à l’image même du livre de Lydie Salvayre, dont le paradoxe voudrait que l’on ait envie de le recopier en entier plutôt que d’en donner seulement quelques extraits, quelques mesures.

« Un Hymne de trois minutes quarante-trois qui fit du 18 août 1969 une date dans l’Histoire, je l’affirme et le signe,

et où, quarante ans après, nous sommes innombrables à puiser je ne sais quels élans, je ne sais quelles forces. »

Dans la chambre de mon fils, j’ai retrouvé le livre d’Alain Dister (cité dans les remerciements à la fin d’Hymne) : Ezy Rider, en voyage avec Jimi Hendrix, septembre 1995, avec des photos en noir et blanc prises par l’auteur regretté.

Je les place ici ensemble dans ce très court riff.

(Photo : cliquer pour agrandir.)