Le Tiers livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de « vases communicants » : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.

La liste complète des participants se trouve ici grâce à Brigitte Célérier.

Aujourd’hui, l’échange se déroule entre Presquevoix avec l’accueil ci-dessous de gballand,  et Le Tourne-à-gauche, reçu là-bas.

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Quand j’ai vu le premier monstre, je rentrais d’une soirée arrosée et j’ai pensé que c’était une hallucination. Mais il y en a eu d’autres, beaucoup d’autres, et la psychose a fini par gagner le pays. On disait qu’ils avaient élu domicile dans les cimetières et qu’ils détestaient les vivants, mais on disait beaucoup de choses sur eux.

Le gouvernement jouait l’attente. Faire l’autruche était devenu une façon de gouverner.

La nuit où les monstres ont manifesté, personne n’est sorti, sauf moi. Ils portaient des masques et leurs chants rauques ont fait trembler Paris. L’un des monstres a donné une ruade dans la poubelle où j’étais cachée, puis il y a jeté une banderole qui disait : Les monstres ont la nausée, ça va péter ! La nausée, mais de quoi ? – ai-je pleurniché toute seule, assise sur le trottoir humide en repliant la banderole tachée. Qu’est-ce qu’ils nous veulent ?

Le soir même, je rédigeais un article sur eux, le premier du genre, pour le quotidien Libréaction. Deux jours plus tard, les monstres envoyaient leur seul et unique communiqué adressé à la France :

« Nous,  peuple des cimetières, avons la nausée de vos vies dévoyées. Des mesures doivent être prises immédiatement pour changer votre monde. Vous avez un mois pour apporter des réponses concrètes, sinon... »

C’est ce « sinon » suivi de points de suspension qui a conduit le gouvernement à créer une commission – la nième du quinquennat – composée d’économistes, de philosophes et de sociologues.

Trois semaines ont passé, aucune réponse n’a été trouvée, mais un nouveau parti a été créé : le FNCM (Front National Contre les Monstres). Il recrute dans toutes les classes sociales et le peuple, agacé, commence à manifester bruyamment.

Dans les rues, on voit apparaître des hommes et des femmes qui crient des slogans d’une voix rageuse : « L’insécurité, c’est les cimetières ! », « Un charter pour les cimetières ! » ou « On aura la peau des cimetières ! ».

Et si les monstres avaient raison de nous ?

Texte : gballand.

Photo : R.B.