Le Tiers livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de « vases communicants » : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.
La liste complète des participants se trouve ici grâce à Brigitte Célérier.
Aujourd’hui, l’échange a lieu entre Nicolas Bleusher, Ici (écriture collective) & là, dont le texte se trouve ci-dessous, et moi-même, invité sur son blog.
_______________
Au rez-de-chaussée d’une cour pavée, entourée de pignons défraîchis, la boutique Erotokritos se donne des allures d’atelier, très tendance : enduit clair en façade et larges baies vitrées, structures apparentes au plafond, des jardinières accrochées aux fenêtres. Une double porte, en gris et sobre, ouvre sur des meubles bas et des portants en fer forgé.
La vendeuse a l’air simple et retenu qui convient au chic urbain. Elle porte ses cheveux libres, une robe en satin, noire, col en dentelle et ceinture perlée. Encore un emmerdeur, se dit Louise en souriant à l’homme – une sorte de Woody Allen, la tête ébouriffée – qui déambule, la main baladeuse, parmi les sacs à main et les bottines en cuir de la collection automne-hiver…
Derrière ses lunettes d’écaille, Dominique ne voit que la peau ferme, la blancheur délicate de celle qui l’observe, depuis quelques minutes, entre les cintres chargés de formes et de couleurs.
— Bonsoir, monsieur. Puis-je vous aider ? questionne Louise, un rien sévère, en s’approchant de la gabardine suspecte.
— Oh oui, je le crois bien, mademoiselle, s’amuse à lui répondre Dominique, serrant, un peu plus fort, dans la poche droite de son manteau, le corps en plastique rouge d’un cutter automatique.
(L’image peut être agrandie d’un simple mouvement.)
Texte : Nicolas Bleusher
Photo : D.H.
Marie a dit:
Ne jamais se fier aux apparences, un vendeur peut se transformer, la nuit tombée en serial killer. Pas serial ? Il faut un début à tout et je sens bien que Louise va avoir un sanglant problème, sauf si le cutter avait une réaction automatique et se retournait contre son propriétaire. J’envoie les ondes au cutter.
Nicolas Bleusher a dit:
C’est une possibilité, en effet, Marie. Je dirais bien que la fin est… ouverte !
Wanatoctoumi a dit:
La réponse eût pu être : « Et vous, Mademoiselle, voulez-vous que je vous… « Z » …? »
mariedici a dit:
ouverte … comme la plaie !
Pierre Chantelois a dit:
Pour une chute littéraire, c’en est toute une. Je m’y attendais pas le moins du monde. Alors Nicolas, quand viendra ce roman policier?
Nicolas Bleusher a dit:
Pierre : vrai que j’ai toujours été tenté par le genre. Mais je crois que je n’ai pas le souffle de Dominique… Merci d’avoir apprécié, en tout cas.
gballand a dit:
Comme vous avez bien fait de laisser le texte en suspens. On se délecterait presque du pire à venir…
Nicolas Bleusher a dit:
Merci dame Balland ! J’avais envisagé toutes sortes de possibilités : finalement, c’est celle-ci qui s’est imposée.
Nicolas Bleusher a dit:
Je me demande si je n’ai pas déjà croisé ce Dominique… Je me demande surtout ce qu’il peut bien avoir dans la poche gauche de son manteau !
lignes bleues a dit:
un certain nombre d’années plus tôt, quelque faucille, ou peut-être un pavé, mais c’est très mauvais pour les poches ? Quoi qu’il en soit, ce Dominique que vous avez c’est sûr déjà croisé me paraît (il faut lire entre les lignes) certes combatif mais en aucun cas assassin
02marie a dit:
Tant que le crime n’est pas commis il ne peut être l’assassin et je n’ai pas trouvé s’il habitait au 21
JEA a dit:
Un jour d’orages persistants, un client nerveux claqua avec trop de violence la porte d’entrée…
Le O néontique de OPEN se détacha pour venir former une auréole postmoderne sur le crâne de ce client à la sainteté douteuse !
Nicolas Bleusher a dit:
Ne resta que le PEN : cette histoire est inquiétante, je dis…
Cowboy a dit:
On dira ce qu’on voudra de Dominique (défraîchi, emmerdeur, ébourrifé, mains baladeuses, fétichiste) mais on ne peut pas lui reprocher de n’être pas fair-play. Accueillir un tel portrait de lui-même sur son propre espace…
Nicolas Bleusher a dit:
Ce qui m’inquiète c’est que tous, à l’évidence, le confondent avec ce personnage de pure fiction… 🙂
Cowboy a dit:
Pure fiction, pure fiction, Nicolas… c’est vite dit. Votre inquiétude sonne faux. Et puis… que sous-entendez-vous exactement ? Que la réalité serait pire que la fiction ?
🙂
Cowboy a dit:
NB Petit jeu lexical histoire de pimenter le principe des « vases communicants ».
Dans le commentaire précédent, les lettres d’un mot ont été données dans le désordre. Saurez-vous le retrouver ?
Dominique Hasselmann a dit:
@ Cowboy : il s’agit peut-être de fiction…
Signature empruntée : L’ébouriffé.
Cowboy a dit:
Une fiction ! Ben voyons… Vous expliquerez ça à Mme Hasselmann que j’ai obligeamment dirigée vers l’espace de votre complice.
02marie a dit:
Les commentaires sont drôles et/ou amusants et il existe plus d’un Dominique … Je n’imagine pas l’auteur de ce blog tel que décrit par Chaosboy …
Désormière a dit:
Ainsi, vous aussi, monsieur, vous l’aviez démasqué ?
Dominique Autrou a dit:
Court et tranchant !
Nicolas Bleusher a dit:
En un mot : merci !
Nicolas Bleusher a dit:
@ Cowboy : Disons que… Comment Dominique ? Si vous pouvez m’aider ? Mais c’est que je… enfin je ne faisais que… Oui, Dominique, absolument Dominique ! Je confirme que c’est, bien évidemment, une fiction.
Dominique Hasselmann a dit:
@ Nicolas Bleusher : si ce n’était pas une fiction, mon prénom aurait été changé. Je ne t’aurais pas permis de me mettre ainsi en scène comme une sorte de serial killer qui, immédiatement, aurait eu les sbires de Guéant sur le dos.
Ton personnage se serait appelé par exemple « M. le Momo » ou « Dédé la Saumure » afin de déjouer toutes investigations : là, c’était trop facile.
Mais ne te laisse pas impressionner par quelqu’un dont l’épouse a joué elle-même dans un film que tous les cinéphiles connaissent (cette gloire déjà ancienne lui monte, semble-t-il, au cerveau).
Nicolas Bleusher a dit:
Ce qui me remet en tête ce billet, écrit également pour un jeu collectif.
Sorcière a dit:
Houlà ! … ça calme le cutter automatique ! rire
Je préfère le couteau Suisse 😉
Ravie de faire connaissance avec Nicolas Bleusher.
Quant à Dominique, est-il fétichiste de la couleur rouge ?
Dominique Hasselmann a dit:
@ Sorcière : j’ai un couteau suisse, il est donc rouge (avec une petite croix blanche). Maintenant, est-ce fétichisme ou utilitarisme ?
Sorcière a dit:
Sourire Dominique, j’avais bien sûr anticipé votre questionnement puisqu’il a été le mien. Vibration de la forme, de la couleur, des intentions ? Tout emporte toujours en soi son contraire 😉
L’utilitarisme du couteau rouge domine l’imaginaire de la sorcière bricoleuse que je suis. 😉
Penser à un outil et une couleur : 98 % de la population pense à un marteau rouge. Amusant n’est ce pas ?
Je pensais à un tournevis bleu ! rire et vous ?
@ Sorcière : mais vous, vous êtes experte en utilisation du rouge pour vos commentaires ! Bleu translucide, oui, du bleu à lèvres ! D.H.
caro.carito a dit:
Il ne semble pas s’être trompé de boutique. J’aime beaucoup l’opposition entre les couleurs franches de Louise et la couleur passe-muraille de Dominique.
Dominique Hasselmann a dit:
@ caro.carito : voir un autre mur ce matin…
jeandler a dit:
Délicieux, tout simplement délicieux
le billet
et ce qui s’ensuit
Nicolas Bleusher a dit:
Oui, Jeandler : ce vase-communicant aura bien communiqué.
Merci aux suiveurs de Dominique qui n’ont pas hésité à faire le va-et-vient entre les deux billets et à commenter généreusement : cela nous fait grand plaisir !
Dominique Hasselmann a dit:
@ jeandler : je souscris à la réponse que vous a faite Nicolas Bleusher…
Napoléon a dit:
Le très (très) mauvais jeu de mots auquel vous aviez échappé -mais puisqu’aujourd’hui, dimanche, il n’y a rien…
« On attendait Dominique, c’était Bleusher. »
Nicolas Bleusher a dit:
Oui, c’est un peu cavalier… 😉
PdB a dit:
Vos histoires ont quelque chose qui se répond et on préfère ne pas savoir quoi… En attendant la fin d’un monde (brrr)
Dominique Hasselmann a dit:
@ PdB : la photo est là pour donner une certaine unité (de lieu).
Après, c’est le règne ouvert à l’imagination…