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aux livres, etc., Jorge Luis Borges, librairie, rue René Boulanger, un candidat
Jouxtant le 36 de la rue (pas le quai d’autres orfèvres), où l’on peut louer du matériel pour tournage de films, j’ai aperçu lundi matin une inscription sur la façade de cette librairie – il en existe encore – qui ressemblait à un défi ou à une contradiction ontologique.
(Photo : rue René Boulanger, Paris, Xe. Cliquer pour agrandir.)
Evidemment, j’ai pensé à Jorge Luis Borges, sa cécité ne lui permettait plus de lire ce qu’il avait écrit et qu’il pouvait entendre moduler ensuite, et cette phrase, cette revendication, ce paradoxe ou cette ironie amère ou amusante, s’étalant sur le lieu même où se trouve une partie de la culture (l’autre étant sur écran, ce qui implique quand même le savoir, ou le pouvoir minimum revendiqué ici) m’apparaissait comme un signe, un appel, un geste (écrit ou tracé lui-même) vers l’accès démocratique et démocratisé à ce qui demeure une ouverture fondamentale.
Je pense que le libraire, aux livres, etc., ne fera pas effacer tout de suite cette formule – elle pourrait être le nom provocateur ou évocateur d’une librairie même , car elle est tout à la fois humour, demande, espoir, griffure.
Il existe certes des lectures audio pour ceux qui ne peuvent exercer leur yeux sur les lignes imprimées ou en ligne. On croise aussi des parcours culturels qui suppléent la rencontre des artistes dans leur moyen d’expression : un écrivain écrit, un musicien musique, un peintre peint, un cinéaste filme, un acteur acte, un policier police, un candidat dérape…
L’essentiel demeure en celui qui interprète (voir « post » récent sur LTAG), ou qui est en mesure de le faire, si on lui en donne les outils, les prolongements, la possibilité égale et fraternelle.
(Photo : cliquer pour agrandir.)
Les livres (ou leur incipit inattendu) s’écrivent alors parfois sur les devantures dans la ville et ses aventures.
(Green Day, At the Library)
brigetoun a dit:
faute d’avoir d’assez bons yeux, même en cliquant, ou de savoir repérer pour lire, je suis longtemps attachée au joli etc.. et pensais que le libraire ne saurait vouloir l’effacer ce bidule qui était là de « son plein gré » – compris finalement, merci
et de toute façon savouré
Dominique Hasselmann a dit:
@ brigetoun : c’était une sorte de “teasing”…
brigetoun a dit:
ai compris – n’empêche que je manque de perspicacité
@ brigetoun : j’avais pensé inverser l’ordre des photos… D.H.
gballand a dit:
Peut-être que dans la librairie « aux livres, etc ». il y aura des cours d’alphabétisation, ce serait un pas vers ceux qui ne savent pas lire, mais voudraient…
Dominique Hasselmann a dit:
@ gballand : j’espère que le libraire (et non le boucher) lira votre proposition !
Francesca a dit:
Ce libraire est probablement un résistant que j’imagine bien dresser le poing dans le style » Aux armes, etc. »
Dominique Hasselmann a dit:
@ Francesca : l’allusion est claire (mais le libraire ne porte pas vraiment le treillis militaire).
Francesca a dit:
Heureusement ! Ce serait dissuasif…
J’ai déjà vu cette librairie mais je ne la situe pas dans mon plan mental de Paris : pourras-tu m’envoyer l’adresse par mél perso ? Merci
@ Francesca : j’ai rajouté le lien dans le texte lui-même. Depuis la place de la République, à l’angle du début du boulevard de Magenta (10e), c’est une petite rue en oblique et parallèle au boulevard Saint-Martin. D.H.
Désormière a dit:
Ce que pourrait démontrer cette provocation d’un plaisantin qui manifestement sait écrire, est qu’on lui aurait appris à déchiffrer mais pas à lire. Il a peut-être fait partie de ces enfants qui déchirent les livres dans la bibliothèque de l’école. Il n’était pas un vandale, mais quelqu’un qui ne pouvait atteindre ce qu’il y avait entre ces feuilles qui paraissaient apporter tant de plaisir à d’autres que lui. Il se sentait confusément désarmé, etc.
Dominique Hasselmann a dit:
@ Désormière : vous avez bien pointé le paradoxe de l’inscription et votre interprétation est recevable, parmi d’autres bien entendu.
Désormière a dit:
En effet, ce peut être juste un vandale.
@ Désormière : mais lettré, alors ! D.H.
Désormière a dit:
Les vandales modernes savent lire et connaissent les usages, ce ne sont pas des barbares tout de même !
@ Désormière : oui, pas de confusion possible… D.H.
jeandler a dit:
Un cri qui aurait pu être un cri de désespoir; je me plais à l’interpréter ainsi. Mais l’écriture est belle…
Certaines librairies organisent des moments-lectures, le moment d’entrer au contact d’un livre, d’une oeuvre et de la lecture…
Dominique Hasselmann a dit:
@ jeandler : sans doute l’idéal…
MARIE a dit:
Wouahou fallait oser !… je n’imagine pas que ce puisse être un simple acte de vandalisme…
Dominique Hasselmann a dit:
@ MARIE : l’interprétation dépasse forcément le « vandalisme » apparent.
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