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Austerlitz, clichés, Evans, Flaubert, impersonnalisation de l'art, Jacques Rancière, le banal
« Mais surtout, dans l’image photographique de la cuisine de l’Alabama comme dans la description littéraire de la cuisine normande, il y a le même rapport entre la qualité esthétique du sujet et le travail d’impersonnalisation de l’art. Il ne faut pas se tromper à l’expression de « qualité esthétique ». Il ne s’agit pas de sublimer un sujet banal par le travail du style ou du cadrage. Ce que Flaubert et Evans font, l’un comme l’autre, n’est pas une adjonction artistique au banal. C’est, à l’inverse, une suppression : ce que le banal acquiert chez eux, c’est une certaine indifférence. La neutralité de la phrase ou du cadrage met en flottement les propriétés d’identification sociale. Cette mise en flottement est ainsi le résultat d’un travail de l’art pour le rendre invisible. Le travail de l’image prend la banalité sociale dans l’impersonnalité de l’art, il lui enlève ce qui fait d’elle la simple expression d’une situation ou d’un caractère déterminé. »
Jacques Rancière, Le Spectateur émancipé (La Fabrique, 2008, page 126).
Mercredi, le soleil avait pris possession du terrain, comme un général vainqueur de la cote 10 à Paris. Ses bataillons serrés dirigeaient leurs rayons sans parcimonie, pourtant on n’était pas à Austerlitz. J’ai piqué quelques clichés, par-ci, par-là, les ai « allégés » (ils sont ainsi devenus « bio ») et les voici en ligne.
(Rues de Lancry et de la Grange-aux-Belles. Cliquer ou bouger les images pour agrandir.)
brigetoun a dit:
jolies les photos allégées (oui ?) et ensoleillées – salubres au réveil
Dominique Hasselmann a dit:
@ brigetoun : merci (la troisième avait sauté, comme le soleil depuis).
Pour « alléger » les photos, elles passent dans un petit logiciel qui les réduit chacune d’environ 3 Mo à 200 Ko, sans aucune autre modification… sauf exception (par exemple, l’agrandissement, hier, de la dernière photo du camion roumain).
biscarrosse2012 a dit:
« …une suppression : ce que le banal acquiert chez eux, c’est une certaine indifférence… La neutralité de la phrase ou du cadrage met en flottement les propriétés d’identification sociale. » C’est très intéressant d’apprendre que la phrase et le cadrage ont la même fonction de « décalage professionnel », de distance créatrice d’une nouvelle vision du sujet représenté. J’ajouterais que les eaux de Lancry et des Vinaigriers (deux véritables affluents du canal St-M.) ont leur naturelle confluence en correspondance du Pont tournant. Eaux et lumières !
Dominique Hasselmann a dit:
@biscarrossse2012 : histoire(s) de liquide(s) puisque la Maison de la presse a été baptisée un jour « Lancryer »… qui rime avec vos Vinaigriers.
Claire a dit:
La symétrie de l’avant-dernière photo me plaît beaucoup : deux passerelles, deux couples (l’un en beige, l’autre en noir), tous avec un appareil photo à la main, jusqu’au lampadaire !
Et vous, en tierce personne, immortalisant le tableau…
Dominique Hasselmann a dit:
@ Claire : Bien observé ! C’est ce qui m’a amusé sur l’instant (mais le lampadaire, sur la droite, c’est une caméra pour surveiller le remplissage ou vidage de l’écluse)…
Claire a dit:
Waouh ! une autre symétrie ? Je le vois à gauche (derrière les touristes)
😉
@ Claire : mais si vous regardez encore, vous verrez un autre photographe sur la passerelle qui se trouve tout au fond de l’image. D.H.
PdB a dit:
La lumière est une invention formidable. Et j’aime beaucoup le type qui fait comme s’il sortait de la deuxième image, droite cadre (mais son reflet dans la vitre reste présent) (comme l’impression que le vélo, extrême gauche (!!!) de la première photo, est celui plein cadre de la deuxième) (plus qu’une impression, d’ailleurs, je connais le coin des Vinaigriers) (mais un décalage de quelques minutes au soleil il me semble) (Ouvroil, tu connais ? A côté de Bailleul ou bien ?) (J. Rancière ne serait-il pas un adepte du partage en quatre du cheveu ? :°)))
Dominique Hasselmann a dit:
@ PdB : les photos n’ont pas été faites avec mon petit Canon habituel (prêté à ma fille) mais avec un Panasonic (emprunté à ma femme), qui dispose d’un objectif Leica, je me demande si ce n’est pas dû à ça.
Oui, j’aime bien les hors champs… (Rancière l’est, lui aussi, c’est là tout son charme !)
Quant à Ouvroil, le « L » de Louvroil a dû tomber dans le tout-à-l’égout !
alainlecomte a dit:
Ah! j’adore l’AURA des pâquerettes! peut-être que le philosophe Rancière devrait s’en inspirer…
Dominique Hasselmann a dit:
@ alainlecompte : je le prends plus pour un titilleur de pensée que pour un brouteur insatiable du champ philosophique (on prend et l’on choisit chez lui, ce n’est pas un dogmatique).
dominique autrou a dit:
Le O jaune, anneau doré dans lequel se protège un BENSIMON à l’envers m’émeut particulièrement.
dominique autrou a dit:
PS: en revanche, ce texte ventilateur ne me parle pas du tout: continue la photo !
Dominique Hasselmann a dit:
@ dominique autrou : merci pour ton premier commentaire dont je ne sais s’il est ironique ou pas (mais c’est son intérêt).
Concernant Rancière, j’avoue que c’est un peu abscons, mais j’aime ces paradoxes basés peut-être pas seulement sur du vent.
les cafards a dit:
on aime le concept de « cliché bio » surtout par les temps qui courent
Dominique Hasselmann a dit:
@ les cafards : Bientôt une étiquette : « garanti sans cheval » !
Frédérique Elkamili a dit:
Non, Louvroil n’est pas à côté de Bailleul (région lilloise), mais plus au sud, à côté de Maubeuge (région avesnoise). Me touche cette photo, en pleine enfance 🙂
Dominique Hasselmann a dit:
@ Frederique Elkamili : oui, c’est indiqué sur le lien « Louvroil » en réponse à PdB.
Ces plaques ont été conservées, comme souvent pour garder un certain « cachet », mais il y a des lettres manquantes : une sorte de Perec mural.
Frédérique Elkamili a dit:
oui, merci pour ce lien que je n’avais pas vu, pas lu.
@ Frederique Elkamili : on lit rarement les commentaires des autres, donc les liens éventuels dans les réponses peuvent échapper ! D.H.
voirdit a dit:
Photos en ligne, soit. Mais me semble-t-il photos toutes en lignes, droites et courbes qu’un objectif Leica renforce sans doute un peu par son piqué. Ainsi lit-on qu’à « l’épicerie » le menu à emporter est à 12 euros et que l’écoulement des eaux fut au point auparavant par ses conduits divers.
Dominique Hasselmann a dit:
@ voirduit : il est vrai que l’on peut faire des rapprochements entre différents éléments et vous les avez dessinés avec gentillesse !
Zoë Lucider a dit:
Je m’élève en faux! Je lis les commentaires et les réponses, mais n’ouvre pas forcément les liens il est vrai.
C’est le photographe photographié en quelque sorte 🙂
Dominique Hasselmann a dit:
@ Zoë Lucider : bon, OK, ce sont surtout les liens que l’on ne prend pas le temps d’ouvrir. Voilà, tu peux remballer ta faux.
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