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« L’extériorité, si visible chez Magritte, du graphisme et de la plastique, est symbolisée par le non-rapport, – ou en tout cas par le rapport très complexe et très aléatoire entre le tableau et son titre.  Cette si longue distance – qui empêche qu’on puisse être à la fois, et d’un seul coup, lecteur et spectateur –, assure l’émergence abrupte de l’image au-dessus de l’horizontalité des mots. « Les titres sont choisis de telle façon qu’ils empêchent de situer mes tableaux dans une région familière que l’automatisme de la pensée ne manquerait pas de susciter afin de se soustraire à l’inquiétude. » Magritte nomme ses tableaux (un peu comme la main anonyme qui a désigné la pipe par l’énoncé « Ceci n’est pas une pipe ») pour tenir en respect la dénomination. Et pourtant, dans cet espace brisé et en dérive, d’étranges rapports se nouent, des intrusions se produisent, de brusques invasions destructrices, des chutes d’images au milieu des mots, des éclairs verbaux qui sillonnent les dessins, et les font voler en éclats. Patiemment, Klee construit un espace sans nom ni géométrie en entrecroisant la chaîne des signes et la trame des figures. Magritte, lui, mine en secret un espace qu’il semble maintenir dans la disposition traditionnelle. Mais il le creuse de mots : et la vieille pyramide de la perspective n’est plus qu’une taupinière au point de s’effondrer. »

Michel Foucault, Ceci n’est pas une pipe, Fata Morgana 1973 (IV, Le sourd travail des mots, pages 47-48).

En tombant sur cet assemblage (ou ce mariage) dans l’avenue, samedi dernier, je n’ai pu m’empêcher de penser à René Magritte et à ce texte qui analyse son œuvre avec tant de finesse.

La photo prise alors était sans doute un simple prétexte pour y revenir encore une fois.

Boîte à chaussures_DH(Photo : agrandir si utile.)